Soixante-trois villages viennent d’être primés pour leur architecture, leur nature et leurs activités culturelles.

Baino, Bkassine, Douma, Bchaalé... ils sont une soixantaine en tout à faire partie des "Plus beaux villages du Liban". Un nouveau label qu’on doit à une association éponyme, fondée en 2016, par trois «amoureux» du «patrimoine rural et culturel» libanais : Maguy Khoubbieh, son mari Albert Kostanian et Joy Homsy. «Pendant un an et demi, on a fait le tour du Liban et de tous ses villages. Absolument tous !», assure Maguy Khoubbieh. En 2018, pour sa première édition, le label en a sélectionné 63 sur les quelque 1 000 municipalités que compte le pays.

Le cahier des charges pour devenir l’un des "Plus beaux villages du Liban" est strict. «Notre défi consistait à identifier les villages les plus exceptionnels, au vu de leur patrimoine architectural, naturel et culturel», ajoute Maguy Khoubbieh. Les communes présélectionnées devaient ensuite répondre à des critères précis. «Par exemple, pour l’architecture, on a pris en compte le nombre de maisons traditionnelles dans le village, l’homogénéité des styles de construction, l’état de conservation des bâtiments, etc. ».

Pendant leurs pérégrinations, les fondateurs de l’association ont retenu cent villages dont ils ont ensuite soumis la candidature à un jury de sept experts, composé d’archéologues, d’historiens, ou encore de paysagistes. Parmi eux, Hareth Boustany, professeur d’archéologie phénicienne et ancien conservateur au Musée national de Beyrouth, ou encore Sarah Hage, paysagiste et professeure d’université. Ce sont eux qui ont finalement déterminé la liste des «heureux élus», répartis en trois catégories distinctes : "Un chêne" pour une note comprise entre 60 et 70 sur 100 ; "Deux chênes" pour une note comprise entre 70 et 80 sur 100. Les meilleurs villages – soit ceux qui ont obtenu une note supérieure à 80 -  comme Douma accèdent, eux, à un label "Trois chênes", le nec plus ultra en la matière. Tous les trois ans, ce label leur sera confirmé (ou éventuellement retiré) après un nouvel examen de leur dossier, assure l’association libanaise.



Valoriser le patrimoine

Pour les communes labellisées, faire partie des «Plus beaux villages du Liban» offre une belle vitrine en termes d’image de marque, susceptible de doper le tourisme rural, un thème cher au ministère du Tourisme, qui soutient le projet. «On est très contents de cette initiative, qui nous aide à valoriser la beauté de notre région», explique Rachid Geagea, président de la municipalité de Bchaalé, une agglomération située dans les alentours de Batroun. Charbel Ghosn, élu à Dlebta, dans le Kesrouan, va même plus loin : «ça fait une belle publicité. Le label nous donnera certainement de nouvelles opportunités économiques».

S’il est encore tôt pour estimer les éventuelles retombées économiques, des initiatives similaires à l’étranger montrent qu’il existe un potentiel inexploité. En France, par exemple, les 157 villages labellisés "Plus beaux villages de France" ont accueilli 35 millions de visiteurs, Français et touristes étrangers, attirés par la promesse d’une France de "carte postale". Si on en croit une enquête du magazine Capital, publiée en 2014 : « dès la première année, un nouveau village voit sa fréquentation croître de 30%, le chiffre d’affaires des commerces augmentant dans les mêmes proportions.»

Pour se lancer, l’association libanaise s’est d’ailleurs appuyée sur le savoir-faire du label français. «Il ne s’agit pas d’une franchise. Nous ne recevons aucune aide financière de leur part. Ils nous ont cependant expliqué leur grille d’évaluation. On s’en est inspiré», précise Maguy Khoubbieh. À une différence de taille près : l’association française fait payer les communes pour obtenir puis conserver le label :  selon l’enquête du magazine Capital, un village candidat doit ainsi déposer un dossier et verser 800 euros puis 0,50 euro par habitant pour une expertise. Dans le modèle français, une fois retenu, chaque village doit en plus s’acquitter d’une redevance annuelle de 3 euros par habitant, en échange de laquelle l’association met à disposition les panneaux, édite un guide, une carte en partenariat avec Michelin...

Conscient que le modèle payant fonctionnerait difficilement au Liban, où les municipalités disposent de peu de fonds propres, l’association libanaise, elle, entend maintenir un processus de sélection entièrement gratuit. Seul frais à débourser pour les municipalités : les panneaux de signalisation, qui devraient rapidement fleurir à l’entrée des villages plébiscités.  L'association, financée jusque-là par ses fondateurs, cherche néanmoins à assurer sa pérennité. Pour mener à bien ses opérations, elle estime avoir besoin d'un budget de fonctionnement annuel de 60 000 dollars. «Nous envisageons de nouer des partenariats avec des banques ou des entreprises libanaises », souligne Maguy Khoubbieh. L'ONG a également sollicité l’aide financière de plusieurs organisations internationales.