Après avoir décroché sa première étoile au Guide Michelin, le chef libanais installé à Paris, Alan Geaam, est venu se ressourcer début mai au Liban.
La volonté de renouer avec les saveurs libanaises l’a naturellement ramené à Syr, sa région natale au nord du pays, où il a rencontré des producteurs locaux et recouvert les produits libanais. Car le palais d’Alan Geaam a été façonné par la cuisine libanaise de sa mère, même s’il a fait ses armes en France : « J’admire son travail. Elle m’a beaucoup marqué par sa générosité. »
Né en 1975 au Liberia, Alan Geaam est arrivé en France avec 200 francs (30 euros) en poche, un visa de sept jours et sans toit pour dormir. Il est entré par la petite porte et a été, tour à tour, ouvrier sur des chantiers, plongeur, puis cuisinier. « J’étais plongeur dans un petit snack libanais. Un jour le chef se blesse et ne vient pas au travail, donc j’ai pris les choses en main. »
Alan Geaam a appris la cuisine française à la force du poignet : « J’ai beaucoup bossé, j’ai appris par le livre, par la curiosité. » Mais après deux restaurants mêlant les gastronomies française, italienne et asiatique, il a décidé de revenir aux sources : « Tout a commencé par des choses très simples : pas des truffes ou du caviar, mais du sumac, du zaatar, du labneh. Vous mangez français et le Liban arrive. »
Le mélange des saveurs donne par exemple un falafel à l’anguille fumée, au mascarpone, ou encore à la ciboulette. Et le public apprécie : « Ça surprend les Libanais avant tout, parce qu’on n’a pas l’habitude de voir cette cuisine-là, et ça surprend les Parisiens, parce qu’ils n’ont pas l’habitude de voir la cuisine française avec une touche libanaise. »
Après un premier restaurant ouvert en 2007 avec 80 000 euros d’investissement, l’Auberge Nicolas Flamel, il ouvre AG les Halles en 2015, puis le restaurant Alan Geaam en 2017. Pour ce dernier établissement, qui peut accueillir 20 gourmets, le chef est monté en gamme : le restaurant nécessite plus de personnel en salle et en cuisine, et une décoration parfaite exécutée par la laison Renard ; d’où un investissement de 300 000 euros. L’effort a porté ses fruits. Un an après, Alan Geaam recevait sa première étoile, consécration d’un travail forcené. Mais il n’augmente pas pour autant ses prix : le ticket moyen reste entre 60 et 100 euros, boissons comprises.
Si un retour au Liban n’est pas envisagé pour le moment, Alan Geaam se pose de nombreuses questions : « Qu’est-ce que je peux apporter au Liban ? Aux jeunes qui pensent se retrouver dans la rue ? » En attendant de trouver des réponses, il a pu partager sa passion et sa technique, le temps d’une journée passée dans les cuisines du restaurant Tawlet, au grand plaisir des clients.