Pour fêter les 70 ans de la maison Noura, les nouveaux propriétaires, Julien et Pierre Khabbaz, ouvrent une nouvelle boutique de 200 mètres carrés au centre-ville de Beyrouth. «Cette boutique permet à Noura, qui n’existait qu’à Sassine et à Sioufi, de sortir d’Achrafié. L’immeuble M1, où nous nous installons, est un emplacement stratégique, sur l’un des principaux axes, la rue Omar Daouk, qui va vers l’ouest de la ville. Nous avons ainsi la chance d’être facilement accessible en voiture avec un espace pour se garer et les services d’un valet parking si nécessaire», assure Julien Khabbaz, nouveau PDG du groupe. Moyennant un investissement d’environ 500 000 dollars, cette nouvelle boutique, dont le design intérieur joue sur des tonalités de bois et de cuivre, met en avant le savoir-faire de la marque : pâtisserie, chocolaterie, viennoiseries et glaces.
Associés à un groupe d’investisseurs libanais minoritaires, les frères Khabbaz ont racheté l’honorable maison, fondée en 1948, pour 14 millions de dollars en 2017. Ne voulant pas brusquer la vieille dame, ils ont pris le temps de se familiariser avec la culture de l’entreprise avant de peaufiner une nouvelle identité de marque. «Nous avons gardé les 75 employés de l’entreprise et recruté de nouveaux profils», avance Julien Khabbaz, qui insiste sur le maintien des traditions. «Noura est une “marque icône” de la gastronomie et de la culture libanaises. Pendant 70 ans, elle a accompagné toutes les célébrations des Libanais et c’est ce que nous voulons faire perdurer.»
Depuis, le logo a légèrement été remanié et le packaging revu. Mais la vraie nouveauté, c’est la mise en œuvre de la stratégie d’expansion de la marque. Outre le nouveau magasin de Bab Idriss, Noura devrait ouvrir d’autres emplacements au Liban. «Contrairement au métier de traiteur, la pâtisserie demeure une affaire de proximité», justifient Julien et Pierre Khabbaz. D’ores et déjà, ils planifient l’ouverture en 2019 d’une troisième boutique dans la région d’Antélias. Une quatrième pourrait même voir le jour à Hamra sans impacter le travail de la cuisine centrale de Noura à Sioufi, qui peut produire jusqu’à 5 000 bûches de Noël en 48 heures au moment des fêtes. «On peut faire décoller le chiffre d’affaires en maintenant quasiment les même coûts opérationnels. Les nouvelles boutiques vont nous permettre de dégager des marges nettes et d’entamer notre retour sur investissement.» C’est seulement en 2020 que devrait venir le temps des franchises, vers les pays du Golfe.
Rien pourtant ne prédestinait les frères Khabbaz à reprendre en main la marque. Héritiers de la chaîne de distribution de vêtements pour enfants Khabbaz, chacun évoluait dans des univers à mille années-lumière du petit commerce. Architecte de formation, Pierre a, dans une vie passée, monté une société de confection textile aux États-Unis, tandis que Julien, dont les études le prédestinaient à devenir ingénieur, s’est tourné vers la finance. Ancien trader, il a ainsi passé dix ans dans le secteur de la banque d’affaires entre les États-Unis et le Liban. Mais au décès de leur père en 2016, aucun des héritiers ne se sent la fibre pour reprendre le flambeau au sein de la PME familiale. Ils décident alors de vendre la marque. Malgré tout, l’idée de reprendre une société pour la développer aiguise leur imagination. Coup de chance ? Depuis quelques mois, Habib Chaaraoui, le fondateur de Noura, cherche un repreneur. Non pas que l’affaire aille mal : au moment de la vente, la marque affichait un chiffre d’affaires de 6 millions de dollars environ, selon Le Commerce du Levant. La raison est davantage à rechercher dans des motifs familiaux : la génération des enfants ne se voyant tout simplement pas diriger la pâtisserie. Pour Noura, en tout cas, ce passage de relais est un véritable coup de fouet.