Le problème – Le directeur des ressources humaines d’une société a infligé des sanctions pécuniaires à certains salariés en raison du dépassement de leur forfait téléphonique professionnel. Il a ainsi effectué une retenue sur leur rémunération en raison du surcoût occasionné à l’entreprise. Il désire savoir si de telles mesures sont licites et si l’entreprise peut bénéficier des montants perçus à cet égard.
Le conseil de l’avocat – En règle générale, la faute du salarié peut se définir comme un manquement à ses obligations professionnelles qui ne correspond pas à l’exécution normale du contrat de travail. Suite à un agissement fautif d’un salarié, il est possible de prendre des mesures considérées comme des sanctions. Il faut cependant que le comportement ou l’action fautive se fonde sur le non-respect d’un contrat et non pas sur une évaluation subjective de l’employeur. La notion de sanction pécuniaire n’est pas clairement définie par la loi. Aussi est-elle restée longtemps une notion floue. En effet, le code du travail ne prévoit pas de liste exhaustive de sanctions. En ce domaine, l’employeur est en réalité libre. Cependant, dans le choix de la sanction disciplinaire à infliger, les entreprises sont tenues de respecter plusieurs dispositions d’ordre public prescrites par la loi.
Aux termes de l’article 68 du code du travail, l’employeur peut sanctionner le salarié pour une faute ou une négligence caractérisée en lui imposant une pénalité qui ne doit en aucun cas excéder l’équivalent de trois jours de salaire par infraction commise. En outre, l’adoption d’un seuil maximal de cinq jours comme montant déductible du salaire par mois suite à une faute ou une négligence commise par le salarié constitue également un moyen de protection du salaire.
À ce titre, le règlement intérieur est un document-clé quant aux sanctions disciplinaires. Il est obligatoire dans les entreprises de plus de quinze salariés et doit préciser, d’une part, la nature des sanctions disciplinaires et, d’autre part, leur proportion. Ainsi, la transgression des règles fixées par le règlement intérieur constitue une faute, qui pourra être sanctionnée. Toutefois, les amendes infligées à titre de sanction doivent être intégralement affectées à des œuvres d’entraide établies dans l’intérêt des salariés conformément à une procédure détaillée dans l’arrêté 6695/1949 du ministère du Travail.
En vertu de cette décision, l’employeur est tenu de créer une caisse spéciale pour y déposer les montants perçus des salariés. Ladite caisse sera soumise au contrôle des inspecteurs du travail relevant du service des Affaires sociales. L’entreprise doit également former un comité afin de gérer la caisse spéciale. Ce comité doit être composé de l’employeur, d’un représentant des salariés et d’un représentant des ouvriers (le cas échéant). Les employés et les ouvriers sont représentés par le plus gradé d’entre eux, et en cas d’égalité par le plus ancien en service ou le plus âgé.
Tout employé en service depuis plus de trois mois pourra ainsi bénéficier des sommes déposées dans la caisse, notamment en cas de maladie du salarié ou de l’un des membres de sa famille (avec la nécessité de soins immédiats), en cas de décès d’un ascendant ou descendant ; ou même pour couvrir des frais de mariage ou de naissance. Il convient de souligner que le comité de la caisse étudie la demande de subvention et est seul qualifié pour l’agréer ou la refuser et en déterminer le montant à la majorité de ses membres. En outre, les employés ne bénéficient d’aucun moyen de recours visant à contester la décision du comité et ne peuvent bénéficier des subventions de cette caisse spéciale plus d’une fois tous les six mois. De plus, l’allocation accordée ne peut dépasser le montant du salaire d’une semaine ni être inférieure au salaire d’un jour. Les amendes versées à la caisse ainsi que les allocations payées doivent être inscrites sur un registre spécial tenu par l’employeur. Ce dernier doit envoyer en fin d’année le bilan de ladite caisse au service des Affaires sociales auprès du ministère du Travail.
Par ailleurs, l’arrêté 6695/1949 permet également à l’employeur de créer une “caisse de secours” afin d’aider les salariés à faire face à des dépenses imprévues. Cette caisse est facultative, mais au cas où elle est prévue, il sera possible pour l’entreprise d’y grouper les fonds déposés avec ceux de la caisse spéciale. En pratique, il convient de noter qu’en dépit du fait que ces dispositions légales soient impératives, peu d’entreprises libanaises sont en train de les appliquer et d’affecter les montants des amendes infligées aux salariés à des œuvres d’entraide.