Le problème – Monsieur F. désire ouvrir un magasin de chaussures. Il envisage d’exercer seul cette activité et pense créer un fonds de commerce. Cependant, il estime que le risque est très élevé, puisque le fonds de commerce est confondu avec le patrimoine personnel de son propriétaire. Il aimerait savoir s’il y a une alternative qui lui permettrait de limiter sa responsabilité à son investissement initial.
Le conseil de l’avocat – La loi n° 126 du 29 mars 2018, entrée en vigueur le 1er juillet 2019, a modifié certaines dispositions du code de commerce libanais (décret-loi n° 304 du 24/12/1942). Elle a également amendé le décret-loi n° 35 du 5 août 1967 réglementant les sociétés à responsabilité limitée (“SARL”) ainsi que l’article 844 du code des obligations et des contrats, afin de permettre la constitution de sociétés unipersonnelles.
Il convient de souligner que les sociétés à actionnaire unique ont été instituées pour la première fois au Liban par la loi 85/2018 qui a permis la création de sociétés offshore unipersonnelles.
En France, la possibilité de constituer une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (“EURL”) existe depuis 1985. Ce besoin est né du constat que, dans la plupart des petites sociétés, le chef d’entreprise détient la quasi-totalité du capital, et ses associés sont des membres de sa famille ou des amis. On a donc admis qu’un individu puisse s’engager en limitant sa responsabilité sans obligatoirement s’associer à d’autres personnes.
Désormais et à l’instar des réglementations françaises, la loi libanaise permet qu’une SARL ne comprenne “ab initio” qu’un seul associé.
L’article 1 du décret-loi 35/1967 autorise ainsi une seule personne physique à créer une SARL alors qu’auparavant le nombre minimum d’associés était de trois : « La société à responsabilité limitée est une société commerciale constituée par une ou plusieurs personnes qui ne sont tenues des pertes qu’à concurrence de leurs apports. Si une société est constituée par une seule personne, celle-ci sera dénommée “l’associé unique”. »
La création d’une SARL ayant un actionnaire unique permet à un entrepreneur de pouvoir se lancer seul dans son activité tout en limitant sa responsabilité au montant de son apport en cas de faillite. En effet, le patrimoine de la SARL est distinct du patrimoine personnel de l’associé unique de ladite société sous réserve d’une faute de gestion ou d’un cautionnement souscrit lors d’un emprunt.
Si Monsieur F. constitue une SARL, sa responsabilité sera limitée aux montants de ses apports. En cas de défaillances, les créanciers ne peuvent se rembourser que sur le montant du capital initial constitué, et non sur ses biens personnels. Il n’y a pas de confusion entre les patrimoines personnels et professionnels.
En revanche, en cas d’exploitation d’un fonds de commerce, la responsabilité est illimitée et les pertes ne sont pas confinées à l’investissement initial. Les dettes nées de l’exploitation du fonds de commerce font partie de l’ensemble des autres biens du commerçant et rentrent dans le droit de gage général de ses créanciers.
Toutefois, le principe d'indépendance entre patrimoine privé et professionnel est un peu illusoire. En effet, il est fréquent que les banquiers demandent la caution personnelle de l'associé et parfois même celle de son conjoint dans la plupart des affaires nécessitant un engagement financier. Dans ces cas-là, le patrimoine personnel peut être engagé, mais seulement à l’égard de la banque bénéficiaire de la caution.
Enfin, pour vendre une entreprise individuelle, il faut céder le fonds de commerce entièrement. La SARL, quant à elle, permet de démembrer le patrimoine de l’entreprise : le fonds de commerce peut être cédé, mais les parts sociales peuvent être conservées, voire vendues partiellement. Cet amendement de la loi permet ainsi à Monsieur F. de créer une véritable société en solo sans avoir à s’associer avec autrui. En outre, il bénéficie de la crédibilité et des multiples avantages de la forme sociétale qui rassure les différents partenaires commerciaux. Un autre avantage de la SARL unipersonnelle réside dans le fait qu’il n'est pas nécessaire de dissoudre l'entreprise pour créer une nouvelle société en cas de volonté de faire un partenariat avec de nouveaux associés. Cette évolution n'implique, comme seule formalité, que la modification des statuts. Il est ainsi possible de faire entrer au capital de nouveaux associés qui participeront au développement de l'entreprise.