Restos, bars, cafés: les tendances en 2019
Le secteur semble se ressaisir cette année avec une hausse de 3,7 % du nombre d'enseignes et de 1,8 % du nombre de places assises. Les investisseurs sont encouragés par l’amélioration des perspectives du secteur touristique, même si la situation économique reste globalement difficile.
Après avoir stagné en 2018, le nombre de restaurants, bars et cafés a augmenté de 3,7 % cette année, malgré une situation économique morose et un climat général attentiste. On compte désormais 977 établissements dans la capitale, contre 942 en 2018. Par rapport à 2015, le nombre d'enseignes est en hausse de 9,8 % dans les 11 zones étudiées par le cabinet de conseil Hodema dans le cadre de cette étude (Bliss, Hamra, Zone du Parc, Verdun, centre-ville, Zaitunay Bay, Gemmayzé, Mar Mikhaël, Sassine, Monnot-Sodeco et Badaro).
Cette reprise s'appuie sur un rebond du tourisme avec un taux d'occupation des hôtels à Beyrouth de 69,8 % au premier trimestre 2019 contre 57,9 % sur la même période en 2018. Les cinq premiers mois de l'année ont été particulièrement favorables en termes d'entrées sur le territoire. Le nombre de visiteurs a augmenté de 5,5 % par rapport à l'année dernière, totalisant 692 704 fin mai, son meilleur score depuis huit ans. Il faut en effet remonter aux 732 855 arrivées des cinq premiers mois de 2010, considérés comme l'année record du tourisme libanais, pour retrouver un tel élan.
La topographie des arrivées, aussi, semble être en train de changer. La levée par l’Arabie saoudite de l’interdiction imposée à ses ressortissants sur les voyages au Liban a permis de doubler le nombre de visiteurs venus du royaume : 31 069 touristes saoudiens étaient comptabilisés fin mai 2019, contre 16 874 à la même période l'an passé. Le retour des touristes du Golfe, au fort pouvoir d’achat, serait une bonne nouvelle pour le secteur, qui espère que les Émirats arabes unis arrêteront à leur tour de boycotter le Liban.
En attendant, le pays peut compter sur les touristes européens qui représentent désormais 37 % du total des arrivées. Ils sont 256 122 à avoir visité le Liban au cours des cinq premiers mois de l’année, un nombre en hausse de 8,7 % sur un an. On note parmi eux une surreprésentation des Français, suivis par les Allemands et les Britanniques, qui s’explique en partie par le développement de compagnies low-cost, comme Aigle Azur et Transavia (la filiale du groupe Air France-KLM). « Nous avons obtenu de bons résultats en négociant avec les compagnies aériennes des vols directs de moins de cinq heures, explique le ministre du Tourisme Avédis Guidanian. Le marketing à l'adresse de l'Europe est une de nos considérations principales.»
La Zone du Parc et Badaro se démarquent
Cette embellie bénéficie en tout cas aux bars et aux restaurants de la capitale. La plupart des zones étudiées sont en croissance par rapport à l'année dernière. Mar Mikhaël voit son nombre d'enseignes augmenter de 6,8 % par rapport à 2018, Bliss affiche une croissance de 8,3 %, 9,6 % pour Badaro, 11,8 % pour Zaitunay Bay et 18,2 % pour la Zone du Parc. Ce quartier, contrairement au reste du centre-ville, qui est toujours moribond, est en forte croissance malgré un ticket moyen parmi les plus élevés de la ville (entre 60 et 70 dollars). Avec neuf ouvertures pour trois fermetures, il attire toujours plus d'investisseurs et la tendance devrait se poursuivre dans les prochains mois.
Badaro continue aussi son ascension et s'impose comme une référence avec une progression du nombre de places assises la plus importante de notre sélection : 13,2 % de croissance depuis 2018 et 74,6 % depuis 2015. Le quartier attire des établissements indépendants, stimulés par des loyers un peu moins élevés qu'à Gemmayzé ou Mar Mikhaël, qui reste toutefois incontournable. En croissance continue depuis huit ans, Mar Mikhaël est toujours aussi fréquentée, de jour comme de nuit, et attractive pour les investisseurs qui viennent souvent tester leur concept avant de le développer ailleurs. Sa voisine Gemmayzé stagne, avec 20 ouvertures d'enseignes pour autant de fermetures et un nombre de places assises en léger recul (-1,8 %).
Verdun et Sassine ont le plus souffert cette année avec respectivement une baisse du nombre d'enseignes de 2,3 % et de 1,7 % par rapport à 2018.
Globalement, le nombre de places assises disponibles dans les 11 zones étudiées est en légère augmentation, de 1,8 % depuis 2018, soit 1 070 places supplémentaires. Rapporté à 2015, l’augmentation n’est que de 3,3 %.
La reprise du marché est donc encore fragile, mais la cannibalisation de la clientèle entre quartiers semble s'estomper au profit d'une offre plus différenciée. Alors qu’il y a quelques années, le succès de Mar Mikhaël avait limité celui de Gemmayzé qui lui-même avait ringardisé Monnot, les différents quartiers à la mode cohabitent désormais. Le succès des restaurants et des bars bruyants de Mar Mikhaël n'empêche pas le développement de terrasses plus tranquilles à Badaro, tandis que Gemmayzé semble se repositionner en tant que quartier de restaurants et de cafés, et non plus un haut lieu de la vie nocturne.
Contexte économique
La situation économique du pays reste toutefois difficile, malgré l’éclaircie sur le front du tourisme. La hausse des taux d’intérêt débiteurs, qui frôlent parfois les 12 %, et la réticence des banques à accorder des prêts freinent l'expansion du secteur. Si le programme Kafalat, qui garantit des prêts contractés dans les secteurs productifs à hauteur de 400 000 dollars, est toujours en activité, le nombre d'emprunts a clairement baissé, passant de 39 à 10 entre mai 2018 et mai 2019. Faute de crédits bancaires, les investisseurs ne trouvent pas le capital nécessaire pour lancer leurs projets, notamment dans les quartiers en vue, comme Mar Mikhaël ou la Zone du Parc, où les loyers peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de dollars par an.
Dans ce contexte, le syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, night-clubs et pâtisseries du Liban, qui compte plus de 2 000 restaurateurs adhérents, reste prudent sur les perspectives du secteur. « Le chiffre d'affaires du secteur touristique, qui tournait autour de 8,7 milliards de dollars par an entre 2009 et 2011, a été divisé par deux depuis, pour élever à seulement 4,5 milliards en 2018. Cela est dû à la baisse du nombre de visiteurs du Golfe, mais aussi à la baisse du pouvoir d’achat des Libanais, résidents et expatriés », explique Tony Ramy, président du syndicat qui pointe aussi l'absence de loi qui encadrerait l’augmentation des loyers, ainsi que l'obsolescence du cadre législatif et réglementaire, inchangé depuis les années 1960. Celui-ci impose, par exemple, l’obtention d’une même licence, de “salon de thé”, pour l’ouverture d’un café, d’un bar ou d’une boîte de nuit, alors que les vocations de ces types d'établissements sont différentes. « Les conditions d'ouverture d'un établissement devraient être plus strictes », estime Tony Ramy. Pour lui, le laxisme actuel encourage les investisseurs qui ne sont pas issus de ce secteur à ouvrir de nouveaux établissements, même s’ils n’ont pas l’expérience nécessaire. « Le marché devient instable, avec grand nombre d'ouvertures et de fermetures. Nous travaillons en parallèle sur un projet de loi qui rendrait obligatoire l’adhésion des établissements touristiques à leurs syndicats de référence, afin de développer le secteur et le protéger », ajoute Tony Ramy. Du côté du ministère, on botte en touche : « Pour être honnête, il n'y a pas encore de travail sérieux réalisé sur la modernisation des lois des années 1960. Il y a néanmoins des discussions et je pense qu'on pourra se concentrer sur ce sujet après la saison estivale », répond le ministre du Tourisme.