Après avoir inauguré Organic Sisters, un restaurant 100 % bio, il y a deux ans, cette année marque également pour Sabine Kassouf le dixième anniversaire de New Earth, le magasin qu’elle a ouvert en 2009 avec Layanne Makarem. L’enseigne d’Achrafié, qui a nécessité à l’époque 250 000 dollars d’investissements, a été la première au Liban à ne proposer que des produits organiques, aussi bien alimentaires que cosmétiques, ou ménagers. « Quand on a voulu se lancer, les gens nous riaient au nez, se souvient Sabine Kassouf, qui a repris des études de thérapeute nutritionnel après une carrière de publicitaire. Les gens n’étaient pas du tout familier de ces produits. »
La première année a été difficile, New Earth s’appuyant presque exclusivement sur une clientèle d’expatriés. Mais après 2010, entre l’affaire des fruits et légumes libanais refusés par le Qatar en raison de leur forte teneur en pesticides et les différents scandales sanitaires au Liban et à l’étranger, le projet commence à faire sens. « Il y a eu une prise de conscience chez les consommateurs et chez les producteurs locaux. »
Après des débuts tonitruants avec une croissance annuelle du chiffre d’affaires de 15 à 20 % dans les premières années d’exercice, New Earth a réussi à maintenir une croissance de 5 à 8 % jusqu’à cette année, pour laquelle Sabine Kassouf entrevoit pour la première fois une stagnation. « Je suis désormais entourée d’une dizaine de magasins bio, même si l’éthique de certains laisse sérieusement à désirer. Ma clientèle est restée fidèle, heureusement, mais la crise économique touche tout le monde. Les dépenses des clients ont clairement baissé. »
D’autant que le bio reste cher. Les produits commercialisés à New Earth, dont les trois quarts sont importés essentiellement de Grande-Bretagne et de France, sont en moyenne 40 à 50 % plus chers que les produits traditionnels. « Depuis le début, notre ambition est de faire travailler le plus possible des producteurs libanais, afin de dynamiser l’économie locale et de réduire notre empreinte carbone, mais c’est encore difficile. » Depuis cet été, Sabine Kassouf doit également composer avec la mise en place d’une taxe supplémentaire de 3 % sur les produits importés soumis à la TVA, une mesure votée dans le cadre du budget 2019, et la hausse des droits de douane sur certaines catégories de produits pour lesquels les taxes passent de 20 à 30 %. « Dans ces conditions, je serai forcée de monter les prix. Ce qui est dommage, car la clientèle du bio s’est élargie ces dernières années à de nouvelles couches de la population : des gens moins aisés, des étudiants. Il y a un risque de revenir à la situation d’il y a dix ans, lorsque seuls les plus riches pouvaient se permettre d’acheter des produits healthy. » Sabine Kassouf veut toutefois continuer à prêcher pour le bio, notamment sur internet. Elle travaille en ce moment sur un projet de site internet et d’application mobile avec l’ambition de développer la livraison des produits de New Earth dans tout le pays.