Après dix ans aux fourneaux du célèbre restaurant Burgundy, à Saifi Village, Youssef Akiki tire sa révérence. Le restaurant lancé en 2010 par la famille Asseily et Ziad Mouawad, pour un investissement de 1,5 million de dollars, continuera à proposer une cuisine française avec une grande sélection de vins de Bourgogne, après la fin du confinement décrété par les autorités sanitaires. En dix ans, le duo Mouawad à la cave et Akiki en cuisine avait fait des étincelles, plaçant Burgundy sur la liste des 20 restaurants les plus sous-estimés au monde, selon CNN en 2017. « Je quitte Burgundy en très bon terme. Mais c’est une page que je devais tourner. J’ai passé un quart de ma vie dans cette maison, il faut avancer », explique Youssek Akiki. « Le meilleur compliment que je puisse lui faire, c’est l’équipe exceptionnelle qu’il a formée. Je suis confiant quant à l’avenir qu’il s’offre et qu’il offre au Burgundy à travers sa cuisine », ajoute Ziad Mouawad.
Partir mais pour faire quoi ? Le chef a aussi quitté Oh Bakehouse, une pâtisserie sans gluten ni lactose ouverte en 2016, rue Monnot, avec Rena Dagher. Il reste partenaire cependant au bistrot Paname de Saifi Village. Youssef Akiki dit avoir reçu des propositions de Londres, Milan et du Canada. Mais pour le moment, pas question de quitter le Liban. Quand la situation économique le permettra, il aimerait ouvrir sa propre enseigne à Beyrouth et, en attendant, il lance une entreprise de conseil Kitchen Backstage.
Destinée aux restaurants du Liban et d’ailleurs, elle prend en charge la formation des cuisiniers, l’élaboration des menus ou l’infrastructure des cuisines. Les enseignes Spine et Arts du groupe Standalone à Naccache sont déjà clientes. Parallèlement, le chef souhaite participer à des événements de différentes organisations caritatives. « Avant je n’avais le temps pour rien, je suis en train de revoir mes priorités, confie le chef de 40 ans. J’ai aussi envie de me concentrer sur la cuisine libanaise, après dix ans dans un restaurant de cuisine française. Je veux travailler les produits libanais avec les méthodes françaises que j’ai apprises tout au long de ma carrière. » Le chef, qui qualifie sa cuisine de « créative et puriste », a trouvé sa voie à 15 ans, lorsqu’il rejoint l’école hôtelière de Beyrouth. Il multiplie ensuite les stages à l’étranger, auprès de chefs étoilés : à l’Atelier Saint-Germain de Joël Robuchon, dont il a toujours admiré le travail, ou auprès de Nicolas Le Bec à Lyon, Alain Ducasse et Jacob Jean Boerma du restaurant De Leest en Hollande, ainsi qu’à l’École nationale de pâtisserie. De retour au Liban, Youssef Akiki pilote les cuisines de grands hôtels comme l’InterContinental Mzaar et le Four Points by Sheraton, avant de s’installer au restaurant italien La Posta à Achrafié. En parallèle, il anime une émission culinaire sur MTV, puis rejoint Burgundy.
Toujours au conseil d’administration du Syndicat des restaurants, cafés, night-clubs et pâtisseries, Akiki milite pour une meilleure reconnaissance du statut de chef au Liban, trop souvent cantonné aux cuisines. « Le chef libanais doit devenir un entrepreneur, parler comme un propriétaire, comme c’est le cas en France et en Europe. D’autant que la restauration intéresse tous les investisseurs et que la cuisine libanaise cartonne, car elle est tendance et saine en même temps. »