Face aux restrictions bancaires, les start-up se tournent vers les plates-formes de paiement locales.
De nombreuses start-up, y compris libanaises, utilisent des plates-formes de paiement étrangères. Un achat réalisé à travers des applications, comme Zomato, Uber, Netflix, ou encore Toters, est donc considéré comme un paiement hors du territoire. Un problème de taille pour les Libanais soumis à une réduction drastique de leurs plafonds de paiement par carte à l’étranger. Ceux-ci varient, selon les banques, d’une à quelques centaines de dollars pour les plus chanceux. Résultat : de plus en plus d’utilisateurs voient leurs paiements en ligne régulièrement refusés.
Chute des paiements en ligne
Choisir une plate-forme internationale était au départ un choix de « simplicité et de technicité », explique Nael Halwany, cogérant de l’application de livraison Toters. « En 2016, il n’était pas encore possible d’effectuer en toute sécurité des paiements en ligne via des prestataires locaux, personne ne proposait une telle offre », justifie le jeune entrepreneur. Lui et ses partenaires ont donc choisi « la meilleure place financière au monde » pour héberger leur finance : Paypal Washington. C’est aussi la stratégie adoptée par la plupart des autres plates-formes du numérique. Sécurité, faibles commissions, paiement en dollars, le deal semblait parfait. Il l’était jusqu’à septembre, lorsque les institutions bancaires ont commencé à plafonner les paiements en ligne. « C’est inédit. Depuis le début de l’année, les plaintes se sont multipliées et nos clients ne peuvent plus être facturés ni en dollars ni à l’étranger », se désole Nael Halwany. L’application concurrente, Zomato, fait le même constat. « Les détenteurs de comptes en livres libanaises ne pouvaient plus payer sur notre application », explique Béchara Haddad, directeur exécutif de Zomato.
Résultat : les utilisateurs ont troqué leur carte bancaire pour du liquide. De novembre à février, l’entreprise Zomato a enregistré une baisse de l’ordre de 20 à 30 % des paiements en ligne. « Aujourd’hui, nous n’avons plus que 20 % de nos utilisateurs qui paient en carte contre 80 % en liquide », détaille la directrice du département des commandes en ligne, Sarah Massoud. Sur environ 75 000 utilisateurs, ils ne seraient plus que 15 à 22 000 consommateurs à régler leurs commandes par carte bancaire.
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Si les ventes demeurent stables, le paiement en espèces n’est pas une solution à long terme. Le modèle économique des plates-formes du numérique repose entièrement sur le cyberpaiement. « Lorsque la commande est réglée en espèces, le restaurateur encaisse l’argent puis nous reverse la commission. Cela crée un délai. Or, notre business model repose sur de faibles commissions directement encaissées», détaille Béchara Haddad.
Le paiement en ligne permet aussi de fidéliser une certaine clientèle. «Nous visons une population jeune. La nouvelle génération est tournée vers le paiement en ligne. Si nous enlevons cette option, nous perdrions beaucoup de nos clients», ajoute-t-il.
Cap sur les prestataires nationaux
Pour continuer à se développer sur le marché libanais, les plates-formes du numérique n’ont d’autres choix que de se tourner vers des sociétés financières locales. «Toutes celles qui ont un prestataire international vont devoir trouver une solution pour le Liban, car les plafonds des cartes vont continuer de baisser. Sinon elles devront arrêter le paiement par carte», explique Béchara Haddad.
Zomato a choisi la première option. «Nous allons bientôt travailler avec une banque locale qui gérera la totalité des transactions au Liban», révèle Sarah Massoud, responsable des commandes en ligne chez Zomato.
Son concurrent, Toters, a aussi pris ses dispositions. Pour les cartes étrangères, l’entreprise conserve les paiements via Paypal. Pour les cartes libanaises, elle a signé un contrat avec la société de paiement en ligne du groupe M1, Areeba. «Nous allons conserver les deux plates-formes. Les clients internationaux pourront être facturés aux États-Unis, tandis que les clients locaux le seront au Liban et pourront payer en livres libanaises», promet Nael Halwany.
Carton plein pour Areeba
Une bonne nouvelle pour Areeba, qui se rémunère avec une commission de 2,5 à 3,5 % sur chaque transaction. L’entreprise affirme déjà détenir plus de 70 % des parts de marché dans le e-commerce, avec une croissance annuelle de 30 %.
Son principal avantage ? Être la seule plate-forme de paiement en ligne libanaise non affiliée à une banque, contrairement à sa principale concurrente, Netcommerce, détenue par Fransabank et Crédit libanais. Si Areeba grignote ses parts de marché, Netcommerce n’annonce aucun nouveau client. «Avec la crise, les entreprises ont de moins en moins confiance dans les institutions bancaires. Lorsqu’elles cherchent un fournisseur local, elles préfèrent ainsi les éviter», affirme Ramzi Sabouri, directeur commercial d’Areeba.
Autre frein : Netcommerce n’a encore jamais travaillé avec des plates-formes internationales. «Juridiquement, c’est possible, mais d’un point de vue pratique, il est compliqué actuellement pour Netcommerce de traiter avec les banques étrangères», affirment les avocats de la société.
Une aubaine pour Areeba, d’autant que cela ne concerne pas que les start-up. Toute société qui facture ses services en ligne à l’étranger sera confrontée à la question du plafonnement des paiements, y compris les champions nationaux. La Middle East Airlines a d’ailleurs ouvert les négociations avec Areeba.