Les sociétés d’investissement en capital privé (SICAP), en anglais “Private Investment Company” ont été officiellement réglementées par la loi n° 163 du 08/05/2020 publiée dans le Journal officiel du 14 mai.
Ce type de structure permet d’investir dans des entreprises ou des fonds non cotés, en employant généralement des gérants de portefeuille pour gérer leurs actifs, matières premières, biens immobiliers, actions, obligations et autres investissements. Un hedge fund par exemple est une SICAP.
Au Liban, les sociétés en commandite simple (SCS) constituent le seul type de sociétés autorisées à être étiquetées, car la loi est claire, la commandite et le seul véhicule (comme la SAL pour la holding).
La commandite simple est une société de type hybride qui permet une séparation entre la gestion de la société et la détention de son capital social. De ce fait, dans la SCS, deux catégories d’associés doivent être distinguées. D’une part, les commandités qui jouent un rôle actif au sein de la société et ont une responsabilité illimitée pour les dettes de la société. D’autre part, les commanditaires ou apporteurs de capitaux, qui jouent un rôle passif dans la société et ne sont responsables que dans la limite de leur investissement initial. Ces derniers, contrairement aux commandités, n’acquièrent donc pas la qualité de commerçant et ne peuvent être mis en faillite.
Aux termes de l’article 2 de la loi 163/2020, l’objet social de la SICAP se trouve restreint et limité essentiellement à : (i) l’investissement dans des instruments financiers émis par des sociétés et des fonds non cotés sur des marchés financiers, (ii) la gestion des sociétés et fonds mentionnés ci-dessus, (iii) l’octroi de prêts aux entités susmentionnées si elle possède au moins dix pour cent (10 %) de leur capital, et (iv) l’acquisition de biens mobiliers ou immobiliers, à condition que ces derniers soient consacrés aux seuls besoins de son activité.
La constitution d’une société d’investissement en capital privé est soumise aux mêmes règles que les SCS en général.
Les statuts de la société signés par tous les associés définissent ses règles de fonctionnement (droits de vote, distribution de dividendes, majorité). Ils peuvent être certifiés par un notaire, mais peuvent également être préparés sous seing privé à condition d’être enregistrés auprès du registre de commerce. La SICAP doit obligatoirement avoir un compte bancaire au Liban.
Toute entité, personne physique ou morale autorisée par les statuts peut souscrire ou détenir des actions réservées aux associés commandités. Les parts des commanditaires par contre ne peuvent être détenues que par des investisseurs professionnels, les associés commandités, le gérant, la société de gestion des investissements, ainsi que par des investisseurs dont la valeur initiale des actions n’est pas inférieure à cent cinquante millions de livres libanaises.
La direction de la SICAP est assurée par un ou plusieurs gérants (personne physique ou morale), désignés et révoqués conformément aux conditions stipulées dans les statuts. Ils peuvent être désignés soit parmi les commandités, soit parmi des gérants non associés. Les gérants n’ont pas besoin d’une autorisation de l’Autorité de régulation des marchés financiers au Liban ou Capital Markets Authority (CMA) pour exercer leurs fonctions.
Les associés commanditaires sont des investisseurs qui ne doivent pas s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. Si le commanditaire a été nommé gérant de la SICAP ou de la société en charge de la gestion de ses investissements, il devient conjointement responsable des dettes de la société.
La SICAP contrairement aux autres sociétés commerciales est habilitée à confier la gestion de son portefeuille d’investissement à des sociétés de gestion d’actifs.
La loi 163/2020 impose à la SICAP la désignation sous peine de nullité d’un dépositaire (custodian) pour préserver ses actifs d’investissement. Il doit s’agir d’une société autorisée par la CMA à effectuer des travaux de conservation d’instruments financiers, à titre de dépôt (à l’instar de Midclear). Le dépositaire doit être indépendant du gérant et de la société chargée de la gestion du portefeuille d’investissements.
La propriété des instruments financiers appartenant à la SICAP sera enregistrée par voie de fiducie au nom du dépositaire. Mais ces actifs sont enregistrés hors bilan et séparément des actifs du dépositaire et de ceux de ses autres clients. Ils ne font donc pas partie de son patrimoine et ne peuvent être saisis en cas de cessation de paiement ou de mise en faillite.
La SICAP peut, conformément aux conditions énoncées dans ses statuts, émettre des parts accordant des droits différents à chaque associé (exemples : parts à valeur nominales différentes, parts émises dans diverses devises étrangères, droits différents à la distribution des revenus).
Nonobstant toute disposition contraire, les parts détenues par les associés commanditaires dans la société sont des instruments financiers négociables. En revanche, les parts des associés commandités ne le sont pas. Ces instruments ne sont toutefois pas soumis aux conditions applicables pour la souscription publique dans la loi sur les marchés financiers.
Les statuts de la société peuvent toutefois comprendre des dispositions limitant la cessibilité des parts des associés commandités à l’instar de clauses d’agrément ou de clauses qui imposent le consentement de l’unanimité des associés pour le transfert des parts.
L’approbation des associés sur les comptes de la société n’est pas requise, mais les documents comptables, y compris le rapport du commissaire aux comptes, sont à leur disposition dans un délai d’au moins douze semaines à compter de la fin de chaque exercice.
Le commissaire aux comptes doit, tout comme le dépositaire, être indépendant du gérant de la SICAP ainsi que de la société de gestion d’actifs. La désignation d’un commissaire aux comptes supplémentaire n’est toutefois pas requise.
Les associés commandités et commanditaires de la société sont exonérés de l’impôt sur le revenu pour tous les bénéfices réalisés par la SICAP dans le cadre de ses activités ou du transfert de parts sociales.
L’exemption prévue au paragraphe ci-dessus ne comprend pas l’impôt sur (i) les dividendes des sociétés de capitaux libanaises dans lesquelles la société investit, (ii) les revenus réalisés au Liban conformément à l’article 51 de la loi n° 497 du 30/1/2003, (iii) les intérêts des prêts accordés aux sociétés libanaises dans lesquelles elle investit, si ces prêts ont été contractés pour une période inférieure à trois ans.
De plus, tous les frais que la SICAP facture pour le management des sociétés dans lesquelles elle investit ou participe à la gestion sont soumis à un taux d’imposition de cinq pour cent (5 %) retenu à la source. Les activités de la société ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Par ailleurs, la société est exonérée de l’obligation de payer le droit de timbre fiscal sur (i) ses statuts, et leurs amendements, (ii) la souscription de parts, (iii) les prêts accordés à la SICAP par ses associés.
Avantages et inconvénients
Parmi les avantages de cette forme sociale on dénombre la discrétion et la simplicité administrative. Il n’y a pas de capital minimum requis et un simple acte sous seing privé suffit pour la constitution de la société, les coûts de création sont donc moins élevés et les autorisations de l’AMF sont beaucoup plus limitées. L’incessibilité des parts des commandités sans l’accord unanime des autres associés garantit le caractère ferme de la société (sauf dispositions contraires des statuts) et la responsabilité des commanditaires est limitée.
De plus la cession et l’acquisition des actifs financiers peuvent se faire directement sans intermédiaire, puisqu’il s’agit de titres non cotés. Enfin, un des avantages des SICAP réside dans leur régime fiscal plus avantageux que celui appliqué aux autres sociétés anonymes libanaises.
En revanche et en dépit du fait que la loi est très récente et qu’il n’y a pas encore eu d’application pratique, les inconvénients sont les suivants : la faillite de l’entreprise entraîne la faillite des associés commandités ; les parts des commandités ne sont pas négociables et leur cessibilité est restreinte ; des inégalités peuvent survenir entre les partenaires ; les décisions qui viennent modifier les statuts doivent se prendre à l’unanimité qui peut parfois être synonyme de blocage ; enfin la cession des parts est particulièrement difficile à mettre en œuvre, puisqu’elle nécessite en principe l’accord unanime des associés.
Force est de constater que les sociétés de personne, comme la société en nom collectif et les sociétés en commandite, sont tombées en désuétude au Liban, notamment en raison de la responsabilité des associés commandités, qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. La question se pose alors de savoir si cela constituera un frein à la dynamique de croissance des SICAP.
En fait, et vu sous l’angle des investisseurs, cette responsabilité indéfinie et solidaire des commandités peut être un atout. Étant donné que les associés en charge de la gestion sont prêts à engager leur patrimoine personnel pour répondre des dettes de la société, les bailleurs de fonds et les créanciers sont mis en confiance.
En outre, étant donné que l’octroi de prêts bancaires aux entreprises est quasi inexistant pour le moment, la SICAP constitue une source de financement alternatif pour le secteur privé.
Au final, cette forme juridique n’est pas sans attraits, puisqu’elle facilite l’association entre des entrepreneurs qui ont un projet mais peu de capitaux propres et sont disposés à prendre des risques en contrepartie d’une relative liberté d’action, et des investisseurs qui souhaitent investir dans un projet dont ils estiment un retour sur investissement intéressant tout en disposant d’un droit de regard sur l’entreprise.