L’article 60 du code du travail stipule que « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur par suite d’une succession, d’une vente, fusion ou autres changements, dans la forme de l’établissement, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».
Cette règle du transfert obligatoire du contrat de travail résulte de l’article précité ainsi que de l’article 656 du Code des obligations et des contrats qui consacrent tous deux le principe de pérennité de l’emploi. Tous les contrats de travail quelle que soit leur nature (CDD ou CDI), en cours au jour de la modification dans la situation juridique de l’employeur (vente, fusion, etc.), sont automatiquement transmis en l’état au nouvel employeur, qui doit en poursuivre l’exécution.
Les textes affirment ainsi la continuité du contrat de travail du salarié dans le cas d’un transfert d’entreprise. La structure qui poursuit l’exploitation de cette entreprise devient automatiquement le nouvel employeur et elle est tenue de reprendre les contrats de travail des salariés présents dans l’entreprise à la date du transfert. Selon la jurisprudence, l’application de l’article 60 du code du travail exige la réunion de deux conditions cumulatives pour qu’il y ait maintien du contrat de travail, à savoir le transfert d’une entité économique autonome et le maintien de l’identité de l’entité transférée, avec poursuite ou reprise de l’activité de cette entité par le repreneur.
Les contrats suspendus (congé maternité, arrêt de travail pour accident ou maladies professionnelles, formation, etc.) sont également concernés. Ce transfert est automatique, il s’opère de plein droit. Cela veut dire qu’il s’impose à l’employeur, mais également aux salariés qui n’ont pas à donner leur accord ou leur avis sur le transfert. Si le salarié refuse de poursuivre le contrat avec le nouvel employeur, il sera responsable de la rupture dudit contrat. Son refus constitue d’ailleurs un motif de licenciement.
Le salarié conserve également sa rémunération, sa qualification et, plus généralement, tous les droits (mais aussi obligations) issus du contrat de travail. Les clauses restent valables (non-concurrence, etc.) et les avantages acquis doivent être maintenus (prime de 13e mois, jours de congé supplémentaires, logement, voiture de fonction… etc.).
Enfin, les années de service accomplies par les salariés chez l’ancien employeur restent acquises, notamment pour l’indemnité de préavis et l’indemnité de licenciement.
Cependant, l’employeur a la possibilité, s’il le juge nécessaire, d’aménager les conditions de travail des salariés. Cela pourra être le cas, par exemple, lors d’une fusion de deux entreprises, afin d’harmoniser les rythmes et méthodes de travail pour l’ensemble des salariés. Ce changement s’impose aux salariés, qui ne peuvent pas s’y opposer.
En revanche, l’employeur ne peut modifier un élément essentiel du contrat de travail (durée du travail, rémunération, etc.) sans l’accord préalable des salariés concernés.
Ce transfert de plein droit des contrats de travail du cédant, ou ex-employeur, au repreneur, ou nouvel employeur, est un principe d’ordre public. C’est-à-dire qu’on ne peut y déroger par une clause, prévoyant que les contrats de travail ne seront pas repris par le nouvel employeur. Il est d’ailleurs impossible de licencier un salarié au motif d’un transfert d’entreprise. Le licenciement ne sera possible qu’avant ou après le transfert, pour une cause réelle et sérieuse étrangère à ce transfert. Tous les contrats de travail n’ayant pas encore été rompus sont concernés même en cas de suspension, peu importe le motif (maladie, maternité, congé de formation, congé payé, etc.).
Si le nouvel employeur refuse de reprendre et maintenir le contrat de travail, le salarié peut l’assigner devant le conseil arbitral du travail en invoquant le licenciement abusif.
Une fois le transfert intervenu, l’employeur n’est pas privé du droit de licencier les salariés passés à son service s’il estime qu’une réorganisation est nécessaire. Mais le motif du licenciement, qu’il soit personnel ou économique, doit être réel et sérieux, notamment si les licenciements interviennent peu de temps après le transfert des contrats. En effet, les licenciements intervenus juste avant ou juste après le transfert peuvent être considérés comme nuls par le juge. Concrètement, le licenciement qui n’est pas justifié par une réorganisation légitime est considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
Une exception au principe du transfert obligatoire des contrats de travail en cas de fusion existe en matière bancaire. En effet, l’article 4.3 de la loi 192/1993 facilitant la fusion des banques autorise dans un délai de six mois à dater de la décision finale de fusion émise par le conseil central de la Banque du Liban de mettre fin aux contrats de travail de certains salariés de la banque absorbée. La rupture des contrats de travail doit toutefois être effectuée en une seule fois et mentionner explicitement que le licenciement est causé par la fusion. Les salariés licenciés auront droit à toutes les indemnités qui leur sont dues par les lois en vigueur et la convention collective des banques. De plus, il leur sera versé une indemnité supplémentaire à titre exceptionnel équivalente à au moins six mois de salaire, mais dont le total ne dépasse pas le montant des salaires perçus durant les trois dernières années.