Ce dispositif pour smartphone de suivi des cas contacts, développé sous l’impulsion du ministère de la Santé, est disponible pour les iPhones et sous Android.

L'application Ma3an espère diminuer le nombre de cas quotidiens recensés
L'application Ma3an espère diminuer le nombre de cas quotidiens recensés Marc Fayad

Annoncé il y a quelques mois, l’application Ma3an («ensemble» en français), destinée à prévenir la diffusion du Covid-19 au Liban grâce à l’identification de contacts rapprochés avec des personnes potentiellement contagieuses, est désormais accessible. Il y a urgence : Le Liban compte environ 1.300 nouvelles contaminations quotidiennes pour un total de 62.286 cas recensés (et 520 décès) depuis le début de la propagation de l’épidémie.

Disponible sur iOS et Android, Ma3an permet à ses utilisateurs d’enregistrer que leur smartphone s’est trouvé à proximité d’un autre téléphone, également équipé de l’application, à moins de deux mètres de distance et pendant dix minutes au moins. «Le fonctionnement de Ma3an est simple», explique Lina Abou Mrad, responsable des services d’e-santé au ministère de la Santé. «Chaque personne qui télécharge l’application, doit activer le Bluetooth et autoriser les notifications. L’application scanne en permanence l’entourage de l’utilisateur et « échange » avec les autres smartphones, sur lesquelles l’application est aussi activée», ajoute-t-elle.

Alerte Covid-19

Si un utilisateur est testé positif, il doit alors le renseigner directement dans son application. «Une alerte s’affiche sur les téléphones de ceux et celles que le malade aura côtoyé sur une période d’une semaine».  Notifiées qu’ils pourraient être porteurs de la maladie (même s’ils n’en ont pas de symptômes), ils reçoivent la consigne de s’isoler, de faire un test et de contacter leur médecin. «C’est ce qu’on appelle le "contact tracing" : cela permet d’éviter davantage de contaminations» précise encore la responsable de l’e-santé au ministère. Attention, l’application ne fonctionne que rétroactivement : elle ne prévient pas un utilisateur en temps réel s’il se trouve à proximité d’un individu porteur du virus. Les personnes exposées ne sont en outre notifiées que si le malade choisi d’envoyer ses données. Elle est enfin dépourvue d’un système de géolocalisation GPS.

Besoin d’une large couverture

Le développement technologique de Ma3an a démarré au premier trimestre de 2020. Il est le fruit d’un partenariat entre le ministère de la Santé, l’Université Américaine de Beyrouth (AUB) qui a travaillé pro-bono, ainsi que la start-up TEDMOB. Une collaboration qui a permis de limiter son coût à 39 millions de livres libanaise (26.000 dollars au taux de 1.500 livres libanaise le dollar).

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A ce jour, Ma3an a été téléchargée 30.000 fois, un volume encore insuffisant cependant pour que l’application casse effectivement les chaînes de transmissions au plus vite.  «On a besoin qu’un maximum de gens l’ait », témoigne encore la responsable. Une étude de l’université d’Oxford, parue dans Science cette année, a en effet montré qu’il fallait qu’environ 60% de la population l’utilisent pour réduire notablement les contaminations secondaires.  En France, par exemple, l’application StopCovid n’a pas réussi à devenir un vrai outil d’alerte faute de rallier suffisamment d’utilisateurs avec seulement 2,6 millions de téléchargement depuis son lancement en juin dernier.

Danger : pistage médical ?

Le Liban fera-t-il mieux alors que le ministère ne prévoit aucune campagne de communication pour aider à la faire connaître faute de moyens financiers? On peut en douter dans un pays où de surcroît les données personnelles, la récolte et l’utilisation des informations personnelles , même si elles sont encadrées par la loi 81/2018 ne sont pas  totalement protégées.  Côté ministère, on met toutefois en avant le souci des équipes chargées du développement de Ma3an de protéger les données privées de l’utilisateur : «Les notifications que les personnes à risque reçoivent ne sont jamais accompagnées du nom de la personne malade, l’échange entre-applications se faisant uniquement au moyen de codes aléatoires. Quant aux données que nous recevons, elles sont stockées et cryptées dans les serveurs de la plateforme mobile de Google Firebase. La facture mensuelle de ce service devrait même atteindre les 350 dollars», fait valoir Lina Abou Mrad.  

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Mais Smex, qui a pu tester l’application avant son lancement, a certaines réticences. Dans un communiqué, l’ONG de défense des droits de l’homme en ligne a ainsi pointé du doigt des failles de sécurité qui pourraient exposer les utilisateurs à des «attaques malveillantes». «L’application contient une forme de géolocalisation, appelée «fine location». Ce n’est pas le GPS, mais ça reste assez précis», dénonce ainsi Ragheb Ghandour, l’expert de l’association qui poursuit : «l’application peut en outre avoir accès à l’identifiant unique du téléphone, qui, combiné avec les données collectées peut permettre au receveur de savoir si deux personnes sont entrées en contact par exemple. Ce n’est pas un processus évident, mais cela reste faisable, même quand l’utilisateur n’a pas envoyé ses données !» prévient-t-il.

Ces remarques ont été transmises au ministère «qui semble les avoirs reçues positivement», note Mohamad Najem, le directeur de SMEX.  Une nouvelle version de l’application Ma3an, dans laquelle ces vulnérabilités devraient avoir été résolues, devrait d’ailleurs voir le jour dans les prochains mois.


Cet article a été modifié le 5 janvier 2021. Ce passage du texte original: «On peut en douter dans un pays où de surcroît les données personnelles, la récolte et l’utilisation des informations personnelles ne sont nullement protégées. Celles-ci ne faisant l’objet d’aucune loi spécifique» a été remplacé par «On peut en douter dans un pays où de surcroît les données personnelles, la récolte et l’utilisation des informations personnelles , même si elles sont encadrées par la loi 81/2018 ne sont pas totalement protégées».