Le problème – Monsieur W. est actionnaire dans une société anonyme libanaise (SAL). Celle-ci a émis des obligations souscrites en entier par des actionnaires de la société. Elle se retrouve en litige avec le ministère des Finances qui a considéré l'émission de ces obligations comme un prêt ordinaire, assujetti à un taux d'imposition de 10 % (au lieu du taux de 5 % normalement applicable aux émissions d’obligations). L'administration fiscale justifie sa décision par le fait que le conseil d'administration de la société n'a pas respecté les formalités de publicité préalables à l'émission en vertu de l'article 126 du code de commerce (notice comportant plusieurs mentions obligatoires à publier dans le Journal Officiel, dans un journal économique et dans un journal local). La décision de l'administration fiscale peut-elle être contestée ?
Le conseil de l’avocat – L'article 126 du code de commerce sur lequel s'appuie l'administration afin de justifier sa décision sanctionne le non-respect par les administrateurs de la publicité préalable à l'émission d'obligations par une amende de 1 000 à 5 000 livres libanaises. Aucune disposition de ce texte ne prévoit, directement ou indirectement, que le non-respect de la formalité de publicité entraîne la nullité de l'émission ; tout en précisant à ce titre que seuls ceux qui auraient souscrit des obligations sans que ces formalités ne soient observées ont la latitude de faire annuler leurs souscriptions (article 128). Or, en l'absence d'un texte législatif ou réglementaire clair dans ce sens, l'administration fiscale ne peut considérer l'acte d'émission comme étant nul et, par conséquent, elle ne peut le disqualifier en le considérant comme un prêt ordinaire soumis au taux d'imposition de 10 % applicable aux revenus de capitaux mobiliers (article 69 de la loi de l’impôt sur le revenu). La société peut donc contester la décision de l'administration fiscale sur le fondement du principe selon lequel « il n'y a pas d'imposition sans texte (au sens de loi uniforme) » ou « de modification ou de suppression d’impôt qu’en vertu d’une loi » (articles 81 et 82 de la Constitution libanaise et article 40 de la loi sur la comptabilité générale, décret no 14969/1963) ainsi que sur le fondement du principe de droit administratif de parallélisme des formes et des compétences. Dans ce cas, la société pourra contester la décision du fisc dans un premier temps par voie d'exception, c'est-à-dire auprès de l'administration fiscale elle-même, dans un délai de deux mois à partir de la date de la notification du rôle d'imposition (ou de la décision du fisc). L'administration fiscale doit rendre sa décision dans un délai de six mois suivant la date du dépôt de la contestation (renouvelable une fois et pour trois mois sur motifs valables). En cas de rejet total ou partiel de la requête par l'administration fiscale, la société dispose d’un délai de deux mois à dater de sa notification de la décision pour contester celle-ci auprès de la Commission de contestation (actuellement habilitée en l’absence de constitution des tribunaux administratifs en application de la loi n° 227/2000). La décision de cette commission peut, à son tour, faire l'objet d'un recours en appel devant le Conseil d'État (articles 97 à 101 de la nouvelle loi sur les procédures fiscales n° 44/2008). Il est utile de noter que les Commissions de contestation ont récemment débouté des décisions de l'administration fiscale dans des affaires similaires.

Note
Nous remercions Me Karim Daher pour son aimable collaboration à la rédaction de ce cas.