Le problème – Monsieur R. a hérité de l’usufruit d’un appartement de 300 m2 situé à Achrafié, mais cet appartement est occupé par un locataire depuis 1975. Comme il habite lui-même à Hazmié dans un appartement de 200 m2 qu’il loue avec son épouse et ses trois enfants, il aimerait savoir s’il peut demander, en sa qualité d’usufruitier, la restitution de l’appartement d’Achrafié pour nécessité familiale afin d’y emménager avec sa famille.
Le conseil de l’avocat – La loi sur les loyers prévoit la possibilité de restitution des anciens baux résidentiels (conclus avant juillet 1992) pour nécessité familiale (article 8 du décret-loi no 160/92 sur les baux du bien-fonds bâti). Pour cela, le propriétaire doit prouver qu'il y a une nécessité familiale comme le mariage par exemple et qu'il n'est pas propriétaire d'un autre appartement vacant situé dans un périmètre de 15 km, équivalent à celui dont il demande la restitution. Toutefois, la loi prévoit cette possibilité par rapport au propriétaire sans préciser si ce droit revient également à l’usufruitier. Or, le droit de propriété qu'une personne exerce sur un bien lui appartenant peut se démembrer en deux droits distincts : d'une part, la nue-propriété qui est le droit de disposer de son bien à sa guise et éventuellement de le modifier ou de le détruire, et, d’autre part, l’usufruit, qui est le droit de se servir d’un bien ou d'en percevoir les fruits, sans avoir le droit d’en disposer. À titre d’exemple, s'agissant d'un bien immobilier, l’usufruit donne le droit de l’utiliser et d'en encaisser des loyers. Si l’usufruit porte sur des obligations, il donne le droit d’en percevoir les intérêts et, dans le cas d'actions d'une société commerciale, d’en toucher les dividendes (article 8 du décret-loi no 160/92 relatif aux baux de bien-fonds bâti). Dans le silence de la loi, les tribunaux libanais considèrent toutefois qu’il appartient également à l’usufruitier de demander la restitution de l’appartement pour nécessité familiale si les conditions légales sont réunies car il dispose, à l’instar du propriétaire en pleine propriété, du droit d’usage et de jouissance du bien qui comprend le droit d’habiter l’appartement (Appel Beyrouth, 5e ch., décision no 339 du 14/3/1969, Hatem 88, p. 3- Appel Mont-Liban, 5e ch,. décision no 220 du 8/12/1973- al-Moussanaf, p. 111). Monsieur R. a donc toutes les chances de se voir octroyer par le tribunal le droit à restitution de l’appartement pour nécessité familiale. Dans ce dernier cas, le locataire aura droit à une indemnité variant entre 25 et 50 % de la valeur de l'appartement (à la date du prononcé du jugement de restitution) selon l'appréciation du juge.