Le problème – Madame T. a constitué une société commerciale avec trois de ses amies. Celle-ci est enregistrée auprès du registre de commerce sous la dénomination sociale “Ibtikar – SARL”. Cette société a pour objet la commercialisation d’objets de décoration et de meubles design conçus par des créateurs libanais. Ces produits sont commercialisés en utilisant la même dénomination sociale “Ibtikar” comme marque commerciale. La dénomination “Ibtikar” étant enregistrée auprès du registre du commerce est-elle suffisamment protégée ? Ou doit-on également l’inscrire auprès de l’office d’enregistrement des marques ?
Le conseil de l’avocat – La dénomination sociale ainsi que la marque commerciale constituent toutes deux des signes distinctifs, mais elles ne doivent pas être confondues, dans la mesure où leur fonction et leur protection respectives sont différentes. La dénomination sociale est un signe distinctif choisi par la société et a une fonction d’identification analogue à celle du nom patronymique pour les personnes physiques. Elle individualise la société qui bénéficie à ce titre d’un droit privatif sur sa dénomination sociale. La dénomination sociale, à l’inverse du nom commercial, de l’enseigne ou de la marque, ne peut être cédée indépendamment de la société. Elle fait l’objet d’une inscription au registre du commerce sur le territoire national lors de l’immatriculation de la société. Toutefois, rien n’empêche l’entreprise d’adopter le même signe à titre de nom commercial, de dénomination sociale, d’enseigne et de marque. Lorsque la dénomination sociale est utilisée pour un produit (ou pour un service) afin de le distinguer des produits ou services concurrents, elle constitue une marque commerciale. Dans ce cas, l’enregistrement de la dénomination sociale au registre du commerce ne suffit plus à lui conférer la protection suffisante propre aux marques de commerce. La société devra alors procéder à un dépôt de marque dans le pays où elle utilise le produit, d’autant plus que les marques bénéficient d’une réglementation propre dans chaque pays. Mais il est préférable de réaliser des recherches d’antériorité parmi les marques et les dénominations sociales, avant l’enregistrement de celles-ci, afin de ne pas s’exposer à des poursuites judiciaires de la part du titulaire initial en cas d’antériorité d’enregistrement. L’enregistrement de la marque commerciale au Liban se fait auprès du ministère de l’Économie, l’office d’enregistrement des marques, dans la catégorie à laquelle appartient le produit ou le service se rapportant à la marque. La marque de commerce déposée devient donc un actif de grande valeur et un outil promotionnel pour l’entreprise, et peut être transmise par cession ou succession, ou faire l’objet d’une licence. Le titulaire de la marque déposée bénéficie également du droit d’intenter une action en concurrence déloyale, qui lui permet de s’opposer à toute utilisation d’une marque identique ou voisine à la sienne pour des produits ou services entrant dans la catégorie choisie lors du dépôt. Toutefois, il faut noter qu’au Liban, le titulaire d’une marque non déposée peut également bénéficier d’une protection de la marque en prouvant devant les tribunaux l’utilisation antérieure de celle-ci. Il dispose également du droit d’intenter une action judiciaire en nullité de l’enregistrement d’une marque dans les cinq années qui suivent son dépôt, au cas où il prouve qu’elle est semblable ou similaire à la sienne et crée une confusion dans l’esprit des consommateurs ainsi que son utilisation antérieure.