Le problème – Madame R. est propriétaire de 600 parts indivises dans un immeuble hérité de son défunt père à parts égales avec ses trois frères. L’immeuble est situé à Beyrouth et comprend trois appartements, ainsi que deux magasins au rez-de-chaussée. Madame R. désirerait, en accord avec ses frères, donner en location les différents lots qui le composent tout en conservant la propriété de l’immeuble. Elle aimerait savoir quel est le meilleur mode d’organisation du bien. Faut-il rester en indivision ou serait-il préférable de constituer une société dans laquelle chacun des coindivisaires donnerait sa part en apport ?
Le conseil de l’avocat – L’indivision est par essence un état provisoire. La loi pose comme principe que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision » (art. 942 du code des obligations et des contrats). Il est donc recommandé dans le cas présent de ne pas rester dans l’indivision même si cela peut paraître la solution la plus simple et la moins coûteuse. En effet, même si les différents indivisaires sont d’accord entre eux sur la façon de gérer l’immeuble et chargent l’un d’entre eux ou une tierce personne pour les représenter auprès des locataires, l’indivision peut à long terme devenir source de complication et de conflit. La constitution d’une société entre les propriétaires indivisaires est un moyen parmi d’autres de sortir de l’indivision. Elle permet aussi de séparer le patrimoine de la charge affective créée par la possession d’un bien immobilier, car il n’est plus question de fractionnement d’un patrimoine immobilier, mais de distribution de pourcentages de parts sociales et de dividendes. Toutefois, la constitution d’une société entre les différents indivisaires entraîne différents frais et dépenses (frais et taxes de constitution et d’administration, impôts sur les revenus et sur la distribution de dividendes, honoraires d’avocat, honoraires des commissaires au compte pour les SAL, etc.). De plus, si les indivisaires décident de former une société entre eux, le transfert de l’immeuble à la société peut se faire de différentes manières. Les indivisaires pourront soit apporter l’immeuble en nature en participation au capital de la société constituée (ce qui implique expertise préalable de l’immeuble), soit vendre l’immeuble à la société après sa constitution. Dans le cas de Madame R., nous conseillerons plutôt de procéder au partage des différents lots entre les frères indivisaires. S’il est impossible de partager l’immeuble en parts égales, des compensations pécuniaires ou autres peuvent être envisagées pour équilibrer le partage. Dans le cas où certains des indivisaires seraient réticents à l’idée du partage, la loi libanaise prévoit différentes solutions pour sortir de l’état d’indivision en leur donnant la possibilité de recourir aux tribunaux. La première des solutions retenues par la loi est le partage des biens. Lorsque le bien immeuble n’est pas susceptible de lotissement en parts égales entre les différents propriétaires, le tribunal peut, à la demande des indivisaires possédant 51 % des parts dans les biens indivis, ordonner la constitution d’une société anonyme immobilière entre les différents indivisaires. Si une telle majorité n’est pas réunie, le tribunal décide de la vente aux enchères du bien-fonds (article 6 de la loi n° 16/82). Il faut noter que malgré l’intitulé de la loi n° 16/82, qui indique qu’elle est applicable aux biens appartenant à un nombre d’indivisaires supérieur à dix, les tribunaux libanais ont décidé que celle-ci s’appliquait dans tous les cas d’indivision, même si le nombre des indivisaires est inférieur à dix (v. Arrêt du Tbl de 1re instance de Beyrouth, n° 102 du 1/4/1993, Almoussanaf fi al-ijtihad al’ikari, Afif Chamseddine, 1994, p. 133, Appel. Békaa, 2e ch. civ., n° 63 du 23/2/1995, RJ 1995, p. 1 198, Cass. civ., 2e ch., n° 5/1996 du 4/1/1996, RJ 1996, p. 359).
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