Tourisme alternatif : visiter le Liban… autrement
Du fait de son histoire et de son emplacement géographique, le Liban est riche de monuments religieux. Ce patrimoine fait le bonheur des nombreux Libanais croyants ou tout simplement culturellement curieux, ainsi que de quelques pèlerins et autres touristes étrangers avertis. Le développement de ce tourisme religieux passe par une meilleure promotion à l’international, qui peine à démarrer.
Avec ses 18 communautés religieuses et sa position géographique de choix dans la région qui a donné naissance aux trois religions monothéistes du monde, le Liban bénéficie d'un patrimoine religieux très riche unique au monde.
Au fil des siècles, ses montagnes, vallées et forêts ont servi de refuge aux minorités persécutées : saints, ermites, prophètes, soufis… Des monastères, églises, oratoires, cathédrales, synagogues, madrassas, mosquées, zaouiyahs (établissements soufis affectés à l’enseignement), taquiyyahs (couvents de mystiques), maqâms (sanctuaires)... ont été construits un peu partout pour les abriter ou leur rendre hommage. « On compte plus de 1 000 monuments à la Vierge, vénérée aussi bien par les chrétiens que les musulmans », témoigne Nour Farra, fondatrice de l’agence de conseil en tourisme religieux Néos. Au total, plus de 3 000 sites religieux essaiment dans le pays, entre monuments musulmans, chrétiens et juifs, même si ces derniers sont moins mis en avant. Si la montagne libanaise regorge d’églises et de monastères, Tripoli vient en tête des villes libanaises en termes de monuments islamiques : au XVIIIe siècle, elle comptait 360 mosquées et écoles coraniques dont près de cinquante sont conservées jusqu’à nos jours, selon une brochure éditée par le ministère du Tourisme. Le mausolée de Khawla Bint al-Hussain à Baalbeck draine chaque année des milliers de pèlerins chiites iraniens et libanais. Mais c’est Harissa, plus grand sanctuaire dédié à la Vierge au Liban, qui reste l’attraction religieuse préférée des visiteurs, toutes croyances confondues.
Un tourisme local et culturel
Ce riche héritage religieux attire chaque année des dizaines de milliers de pèlerins en quête de spiritualité. La plupart des visiteurs sont libanais, souvent poussés par leur foi et emmenés par leurs institutions religieuses, paroisses et écoles coraniques, qui organisent régulièrement des pèlerinages. Il n'est pas rare de voir des villages entiers s’animer lors de la fête de leur saint patron, qui attire de nombreux croyants. Ou encore, de voir les fidèles affluer à Annaya le 22 de chaque mois pour rendre hommage à saint Charbel, qui aurait guéri une femme de paralysie partielle le 22 janvier 1993. « C'est un tourisme qui ne ralentit jamais, même en période de guerre », témoigne Nour Farra.
À ces croyants, se joint également une foule de curieux qui sont attirés par la richesse culturelle et historique des lieux de culte. On visite une église souvent pour ses fresques ou ses icônes, ou pour mieux comprendre la culture d’un peuple. Les touristes, s’ils viennent de l’étranger, peuvent très bien commencer leur journée par Harissa, continuer par découvrir la grotte de Jeita, revenir flâner dans les corridors du musée national de Beyrouth et finir leur soirée dans un bar ou un toit de la capitale.
Il est donc difficile d'estimer le nombre de pèlerins ou de touristes religieux au sens strict du terme. « Les églises ne tiennent pas de registre, confirme Nour Farra. Elles ne comptabilisent que le nombre d'hosties délivrées. »
Un développement économique local
Une chose est sûre : le tourisme religieux est étroitement lié au développement des économies locales, surtout en zone rurale. En cela, il se rapproche grandement de l’écotourisme, à qui il est souvent lié. Il n’est pas rare pour des randonneurs d’être hébergés quelques nuits dans des monastères. Au-delà, la fréquentation d’un site religieux peut permettre à des régions de maintenir, voire de créer certains emplois : à Notre-Dame de Bechouat, dans l'est du pays par exemple, l’afflux des pèlerins depuis des témoignages de guérisons miraculeuses a permis à certaines boutiques d’artisanat local de ne pas fermer. Ou encore dans la vallée sainte de la Qadisha dans le Nord, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 1998, des projets de construction de Bed and Breakfast pouvant héberger les randonneurs sont souvent évoqués, qui créeraient des emplois. Le ministère du Tourisme, conscient de cet enjeu, a entamé quelques initiatives timides pour faire la promotion du tourisme religieux au Liban : il y a quelques années, il a édité une brochure recensant les 300 plus grands lieux de culte musulmans et chrétiens du Liban, ainsi qu’un livret sur les plus grands saints du pays. Il a également produit deux films sur le sujet. En 2008, une association pour le développement du tourisme religieux et pèlerinages a été créée par le patriarcat maronite de Bkerké, sous l’égide du père Khalil Alouane. Elle regroupe les recteurs des sanctuaires chrétiens et les agences de voyages spécialisées. Elle a organisé en 2010 le premier colloque sur le tourisme religieux et le pèlerinage au Liban à Harissa.
Et la promotion à l’international ?
Mais ce n’est pas encore suffisant. Le nombre de touristes internationaux, réel marché d’avenir du tourisme religieux pour le Liban, reste encore limité : « Nous recevons en moyenne cinq groupes de plus de cinquante personnes par an, explique Norma el-Khoury, de Lebanon Roots, l’agence de voyages spécialisée en tourisme religieux créée en 2003 par le tout-puissant Ordre maronite libanais. Nous leur organisons des circuits qui mélangent culture et religion, nous leur proposons souvent de rencontrer des responsables religieux pour favoriser les échanges entre communautés. »
Même son de cloche chez Nakhal, agence de voyages traditionnelle, qui propose un circuit religieux, mais dont la demande est limitée à moins d'un ou deux groupes par an.
« Il existe un réel potentiel de promotion du Liban dans le cadre d’un message de “Liban, Terre sainte” ; il ne faut pas oublier que le Christ et certains apôtres ont foulé cette terre », affirme Nour Farra, qui préconise des packages liant la Syrie, le Liban et la Jordanie en finissant en terre de Palestine. « Nous pourrions cibler les marchés américains et canadiens, dont le potentiel est énorme », poursuit-elle.
La coopération italienne abonde dans le même sens : en décembre 2011, elle a fait un don de 414 000 euros pour un projet de définition et promotion d’itinéraires de tourisme religieux, un peu à la manière de chemins de Compostelle (chemins de pèlerinage balisés qui ont été reconnus comme des itinéraires culturels en Europe). En raison de la situation politique actuelle, le projet peine cependant à démarrer. « L'objectif est d'inclure le Liban dans les destinations internationales de tourisme culturel et religieux pour permettre au pays de bénéficier des revenus issus des pèlerinages et du tourisme », explique Guido Benevento, attaché de la coopération italienne. Le projet prévoit également un plan d'action pour attirer investisseurs privés et donateurs, notamment dans les zones rurales.
« Mais le budget alloué à la promotion du tourisme religieux à l’international est quasi nul, déplore Nour Farra. En Jordanie, par exemple, au moment de la visite du pape, le pays avait activement fait la promotion du lieu de baptême du Christ sur la rivière du Jourdain. » Alors qu’au Liban, pour la visite du pape, programmée en septembre de cette année, rien n’a encore été prévu.