Le problème – Monsieur L. est le propriétaire d’un ancien immeuble situé à Beyrouth. Celui-ci comprend un grand local au rez-de-chaussée loué depuis les années 1970 à un tapissier, réputé pour son savoir-faire dans ce métier. Or, depuis quelques années, le locataire a énormément réduit son travail de tapisserie, en raison de son âge notamment, et a transformé petit à petit l’atelier en une salle des ventes de meubles importés. Monsieur L. aimerait savoir s’il peut demander l’éviction du locataire au motif du changement de l’usage ?
Le conseil de l’avocat – La question de l’éviction du locataire pour changement de l’usage convenu initialement dans le contrat de bail est extrêmement nuancée. Ainsi, dans une affaire similaire où le locataire avait anciennement loué un local pour y exercer le métier de tapissier, la Cour de cassation n’a pas considéré que le fait d’y vendre des meubles importés constituait un motif valable pour mettre fin à la prorogation du droit de bail. La Cour de cassation a retenu pour cela deux critères. Elle a estimé d’une part que la transformation de l’usage doit être radicale, ce qui n’est pas le cas ici, puisque l’activité de vente de meubles se rattache par sa nature à la tapisserie d’ameublement. Par ailleurs, la Cour considère que la transformation doit porter préjudice au local afin d’entraîner la résiliation de la prorogation du droit de bail. En effet, les activités de tapisserie manuelle simple constituent des actes civils et ne rentrent pas dans la catégorie des activités artisanales industrielles à caractère commercial. Le local loué pour des activités de tapisserie ne rentre donc pas dans la catégorie des lieux loués à des fins commerciales ou industrielles. Par conséquent, l’alinéa 2 de l’article 14 de la loi sur les loyers 160/1992, relative aux seuls baux à usage commercial ou industriel, qui n’exige pas l’existence d’un préjudice comme condition de l’éviction, n’est pas applicable en l’espèce. Le changement d’usage doit, pour constituer un motif d’éviction, s’accompagner de dommages, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (Cass. civ., 1re ch., déc. n° 39 du 12/4/2012, “al-Adl”, 2015, T.I., p. 203).

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