Le problème – Monsieur F. a ouvert un compte bancaire conjoint avec son frère Monsieur G. pour les besoins de leur activité commerciale commune. Lors de l’ouverture du compte, aucune instruction n’a été donnée au banquier concernant la répartition respective des droits de chacun des cotitulaires dans ledit compte. Suite au décès de Monsieur G., son frère voudrait savoir s’il peut disposer de la totalité du solde créditeur du compte collectif sachant que les héritiers de Monsieur G. réclament également la quote-part de leur père dans ce compte.
Le conseil de l’avocat – Un compte collectif est un compte ouvert au nom de deux ou plusieurs personnes, appelées cotitulaires sans qu’il n’y ait nécessairement de lien de parenté ou d'alliance entre elles. Le principe étant de permettre à plusieurs personnes de disposer d’un compte unique. En fait, il existe deux types de comptes collectifs, le compte en indivision (ou compte conjoint) et le compte joint.
Dans un compte conjoint, tous les cotitulaires doivent donner leur accord pour réaliser chacune des opérations sur le compte (retrait, virement...). En revanche, dans un compte joint, chacun des propriétaires peut intervenir sur le compte sans obtenir l’accord de son ou de ses cotitulaires (sauf en ce qui concerne la clôture du compte). Le compte joint présume une solidarité des titulaires, alors que le compte conjoint fonctionne selon les règles de l’indivision (pas de solidarité).
Donc, comme il n’y a pas de solidarité active entre les cotitulaires d’un compte bancaire conjoint, il convient de réunir l’intégralité des signatures afin de réaliser toute opération sur ledit compte.
Au Liban, en ce qui concerne les cas de dévolution successorale des comptes collectifs, l’article 3 de la loi du 19 décembre 1961, réglementant les comptes joints, permet au titulaire survivant de disposer de la totalité du compte en cas de décès. Cependant, aucune disposition législative n’a réglementé le fonctionnement des comptes conjoints.
Ainsi, et en l’absence de toute réglementation en la matière, la doctrine et la jurisprudence libanaises préfèrent recourir aux dispositions générales du code des obligations et des contrats relatives à l’indivision en général.
En fait, la majorité des praticiens ainsi que la jurisprudence libanaise considèrent qu’il existe une présomption légale d’égalité dans les parts des cotitulaires des comptes conjoints. A contrario, si l’une des parties fait état d’un document prouvant qu’à l’ouverture du compte la répartition était différente entre les cotitulaires, les parts devront être alors réparties en fonction des pourcentages décidés initialement. Dans le cas d’espèce, aucune instruction n’avait été donnée au banquier concernant la répartition du compte entre Monsieur F. et Monsieur G. Par conséquent, on estime que les deux frères sont censés détenir chacun 50 % des fonds déposés dans le compte conjoint.
En outre, et comme l’un des signataires Monsieur G. est décédé, la banque doit procéder au blocage de 50 % des fonds déposés dans le compte conjoint dans l’attente du règlement de la succession du défunt. Ceci signifie que plus aucune opération de dépôt ou de retrait ne pourra être enregistrée sur ledit compte. Les 50 % des fonds revenant à Monsieur F. seront en revanche transférés sur un compte personnel lui appartenant à la banque.
Les héritiers de Monsieur G. devront alors présenter à la banque une copie exécutoire du certificat d’hérédité ou “hassr erss”, qui est une décision de justice établissant le décès et indiquant le nom, nombre et qualité des successibles. Le banquier pourra alors procéder au déblocage de la quote-part des héritiers de Monsieur G. dans le compte conjoint.
Par la suite, la quote-part de Monsieur G. dans le compte devra être répartie au prorata entre ses héritiers selon le certificat d’hérédité ou “hassr erss”. Ces derniers devront alors décider s’ils préfèrent transférer leurs avoirs sur un nouveau compte conjoint et continuer à le faire fonctionner avec leurs signatures communes ou récupérer chacun la part lui revenant.
Enfin, il convient de souligner que les banques libanaises doivent respecter la loi du 3 septembre 1956 sur le secret bancaire. Elles ne sont donc pas tenues de déclarer aux autorités fiscales la transmission aux héritiers des fonds déposés dans le compte collectif même si légalement ces derniers restent soumis au paiement des droits de mutation.