Les Libanais fondent pour la glace artisanale
Zoom sur quelques artisans qui nous font tourner la boule avec leurs glaces et leurs sorbets.
Salem Fondée en 1930 par Élias Haykal, la glacerie artisanale familiale Salem se trouve à Kousba el-Koura, dans le Nord. Elle propose une sélection de quinze saveurs (café, cassata, citron...) dont le parfum mûr est le plus attendu l’été. La spécialité reste la glace à l’achta enrobée de pistaches et réalisées dans la pure tradition libanaise. « Il y a beaucoup de nouveaux arrivants dans le marché de la glace artisanale, avec de nouvelles saveurs et une autre créativité, reconnaît Éliane Haykal, qui gère la communication de la glacerie. Mais notre cheval de bataille est de conserver les saveurs traditionnelles et l’authenticité du savoir-faire de la glace arabe. Chez nous, les clients retrouvent les saveurs de leur enfance. » Il faut compter entre 3 000 et 7 000 LL pour une glace et entre 22 000 et 30 000 LL pour un kilo. L’enseigne dispose de plusieurs points de vente dans le Nord du pays et espère en ouvrir d’autres dans les années à venir. |
Azrak Ouvert à Baabdate depuis 1935, Azrak est dirigé par deux frères, Robert et Rifi Azrak, qui ont pris la suite de leur père. Si la boutique de Alep a dû fermer à cause de la guerre en Syrie, on peut aussi trouver Azrak à Montréal. « Nous avions également une boutique à Paris dont je me suis occupé jusqu’à 2009 », ajoute Robert Azrak, qui a fait ses gammes auprès de grandes maisons comme Lenôtre, Fauchon ou Le Pot Au Feu avant de revenir à Beyrouth. La clé d’une bonne glace ? « Il y a autant de glace que de glaciers. Mais le plus important, c’est d’être intransigeant sur la qualité des produits, répond Robert Azrak. J’achète moi-même les fruits chez mes producteurs libanais. L’année dernière, les fraises libanaises n’étaient pas d’assez bonne qualité, donc mes clients ont dû se passer de sorbet à la fraise. » Chaque année, les deux frères mettent au point une nouvelle recette qui vient s’ajouter à la vingtaine de parfums existants. Après celle à base de pignons, de pistache, d’orangette et de fleur d’oranger, la famille Azrak mise cette année sur un parfum réalisé à base de noisette et de chocolat. La boule de glace est vendue à 3 000 LL. |
Bachir Né en 1936 dans le village de Bickfaya, le glacier Bachir est le plus important du pays, avec plus de 80 boutiques réparties sur tout le territoire et une production de 4 tonnes de glace par heure à raison de trois heures par jour. Cette entreprise familiale, qui a vu trois générations se succéder à sa tête, propose une trentaine de parfums dont le chocolat mou qui caracole en tête des ventes. Cette année, ils ont rajouté la merry cream à leur catalogue, une glace à l’italienne en capsule individuelle réalisée et pasteurisée dans leur laboratoire à Beyrouth. « Les deux clés de notre succès sont l’hygiène et la sélection de nos matières premières. Nous commandons nos ingrédients dans de très grandes quantités, donc on peut acheter des produits de haute qualité à des prix avantageux », explique Édouard Bachir, qui codirige la glacerie avec ses frères et cousins. Les fruits proviennent de petits producteurs libanais, le chocolat est belge, les pistaches viennent d’Iran et le beurre et le lait de France. Bachir, qui emploie 500 salariés en haute saison, a ouvert une boutique à Paris en 2017 et prévoit l’ouverture prochaine d’une seconde boutique. Il faut compter 4 000 LL en moyenne pour une glace. |
Hanna Mitri Le glacier Hanna Mitri est un incontournable de Beyrouth. Fondé en 1949, à Saint-Nicolas, il jouit d’une renommée internationale qui lui a valu le surnom de “King of ice cream” par le magazine Newsweek. « On me demande souvent quelle est ma recette. Il n’y en a pas, il faut toujours s’adapter. On ne travaille pas un citron de la même façon en janvier qu’en juin, ce n’est pas la même acidité ni la même texture », explique Moussa Mitri, qui a pris la direction de la boutique après le décès de son père et réalise toutes ses préparations dans sa petite boutique de Saint-Nicolas. Il propose une dizaine de parfums dont la liste peut évoluer selon la saison et la qualité des fruits. Les saveurs les plus appréciées par la clientèle sont le citron et le praliné aux amendes. Il faut compter environ 5 000 LL pour une glace individuelle et environ 25 000 LL pour un kilo de glace. L’an prochain, Moussa Mitri délocalisera sa boutique dans un espace un peu plus grand, toujours à Achrafié. Dans cette optique, il expérimente de nouvelles recettes qui associent un alcool avec un parfum de glace spécifique. |
Le Cremier Fondé il y a 35 ans à Damour par Mansour Chémaly, Le Cremier dispose aujourd’hui de 4 boutiques et 11 franchises à travers le Liban, dirigées par ses deux fils Samir et Ghassan Chémaly. La maison mère est à Jounié. Il propose des glaces naturelles, sans additifs ni conservateurs qui suivent la recette traditionnelle turque sans crème, beurre ni œufs. Elles sont préparées dans leur laboratoire de 1 000 m2, à Harissa, qui emploie neuf personnes. Quarante-cinq parfums sont disponibles à la vente dont quelques nouveautés comme les saveurs Oreo, Kinder, Crunch ou Lotus. « Nous proposons aussi des sorbets orange, fraise, citron et mangue peu caloriques et des glaces sans sucre. Tous nos fruits sont issus de producteurs locaux libanais », ajoute Samir Chémaly. Le Crémier produit 600 à 700 kilos de glace par jour. Il faut compter environ 18 000 LL pour un kilo de glace, 5 000 LL pour un verre et entre 3 000 et 4 500 LL pour un cornet. |
Awad C’est dans une petite boutique à Achkout qu’a ouvert le glacier Awad en 1995. Sa spécialité est la glace à l’achta, une crème de lait accompagnée de mastique qui donne de l’élasticité à la glace, accompagnée de pistaches concassées puis roulée sur elle-même pour lui donner l’allure d’une bûche de Noël. « C’est un processus complexe qui nécessite beaucoup plus de travail qu’une glace standard. Nous avons été les premiers à vendre cette glace », explique Samer Bassil, l’un des membres de la famille. Mais le glacier, qui produit environ 100 kilos par jour, ne se contente pas de l’achta. Entre 20 et 25 parfums différents comme la mandarine, la figue ou le cactus sont disponibles à la vente selon les saisons et la qualité des fruits. « Ce sont des créations 100 % naturelles, ajoute Samer. Quand vous croquez dans une glace, vous avez l’impression de croquer dans un fruit. » On peut aussi retrouver les glaces Awad à Jounié et une nouvelle boutique a ouvert à Jeïta cette année. Il faut compter entre 16 et 18 000 LL pour un kilo de glace et 35 000 LL pour un kilo à l’achta. |
Orso Bianco « Le secret d’une bonne glace, c’est la légèreté. Le parfum doit arriver en premier dans la bouche sans qu’il y ait une sensation de froid trop importante », explique Jocelyne Tchopourian, qui a ouvert Orso Bianco en 2012, à Achrafié, pour moins de 150 000 dollars. Auparavant, elle évoluait dans un tout autre champ d’activité : une entreprise spécialisée dans la fabrication de camions. Elle s’est lancée dans l’aventure après des stages en Italie et au Canada, qui lui ont permis de maîtriser les techniques de fabrication artisanale et de mettre au point ses propres recettes. Orso Bianco propose des glaces italiennes, sans colorants, conservateurs et réalisées avec des fruits de saison issus de l’agriculture biologique. « On essaye toujours de trouver un bon équilibre pour que la glace ne soit ni trop grasse ni trop sucrée. Le fruit doit être dominant. Nos sorbets sont composés à plus de 50 % de fruits. » Orso Bianco propose une quarantaine de parfums à la vente dont le dernier-né est un parfum au sésame noir d’inspiration japonaise. Il faut compter 32 000 LL pour un kilo de glace. La boutique propose aussi des glaces en bâtonnet, trempées dans du chocolat et vendues entre 3 000 et 6 000 LL. |
Oslo L’artisan-glacier Oslo dispose de deux boutiques à Mar Mikhaël et à Verdun. Sa propriétaire, Nayla Audi, a commencé en produisant des glaces pour des restaurants avant de se lancer dans la vente directe en magasin en 2013. Parmi la cinquantaine de parfums disponibles, le coffee toffee crunch, accompagné de morceaux de caramel enrobé de chocolat, récolte le plus de suffrages. Cet été, elle a lancé un nouveau parfum thé vert et rose. Le cornet est vendu 6 000 LL et le litre de glace varie entre 26 000 et 44 000 livres libanaises. Les glaces sont préparées dans son laboratoire de 350 m2, à Jisr el-Wati, qui emploie 22 personnes pour une production de 150 litres par jour. « Nous utilisons très peu de machines, nous tenons à privilégier le savoir-faire manuel », explique-t-elle. À l’étranger, les glaces Oslo sont commercialisées sous le nom Milk dans deux points de vente en Californie. Nayla Audi, qui continue de fournir hôtels et restaurants (à hauteur de 18 % de son chiffre d’affaires), espère ouvrir deux autres boutiques à Beyrouth. |
Le Flocon Ouvert il y a deux ans à Antélias, Le Flocon est l’histoire d’une rencontre entre deux amies, Théa Makhoul et Yasmina Bassil, et d’un chef pâtissier, Charles Azar, formé à l’école Lenôtre, à Paris, et président de l’Académie nationale de cuisine au Moyen-Orient. « Au Liban, il y a beaucoup de boutiques où on vend à la fois du chocolat, des glaces et des gâteaux. Nous avons préféré choisir une seule spécialité et la maîtriser à la perfection », explique Théa Makhoul, qui a investi environ 180 000 dollars dans cette aventure avec ses associés. Le Flocon propose des sorbets (36 parfums différents), crèmes glacées et gâteaux glacés individuels. Il faut compter 2 500 LL pour une boule de glace, 7 000 LL pour une verrine de glace light et 18 000 LL pour un pot d’un demi-litre. Le caramel toffee au beurre salé est leur best-seller et devance de peu la saveur Single Malt. Les deux amies surnommées “les dames du Flocon” misent sur des produits 100 % naturels et la qualité de l’accueil. Au moins l’un des trois associés est toujours présent derrière le comptoir. Le glacier, dont le chiffre d’affaires a progressé de 30 % depuis son lancement, a ouvert récemment une seconde boutique de 60 m2, place Sassine, et distribue aussi ses glaces à l’aéroport de Beyrouth, dans des hôtels et dans des centres commerciaux. L’activité de distribution représente 25 % de son chiffre d’affaires. |
Frooza Booza Ouvert en 2015, à Mar Mikhaël, Frooza Booza se démarque par un concept novateur. « L’idée c’était d’inventer une nouvelle façon de manger une glace », explique son créateur Élias Saadé, qui a étudié le marketing en France et s’est lancé avec 50 000 dollars. La glace, vendue entre 5 000 et 12 000 LL, est faite en direct sous les yeux du client à l’aide d’une plaque à très basse température, sur laquelle est déposée une des trois bases à disposition (lait, sorbet ou yaourt) sans conservateurs, peu sucrée et peu calorique. Le client choisit ensuite les ingrédients qu’il souhaite ajouter parmi une centaine de combinaisons possibles. La glace prend ainsi forme, en deux minutes, avant d’être roulée en crêpe, accompagnée de gâteaux ou de sucreries en tout genre. « On essaye aussi d’innover en créant des glaces à partir de parfums insolites comme le Baileys, Jack Daniel’s, l’aperol ou des glaces réalisées à partir d’un cheesecake. » |
Popcity Lancé en 2015, Popcity s’est spécialisé dans les glaces en bâtonnet. Son créateur, Ali Chokor, ingénieur informatique pendant 15 ans et passionné de glace depuis l’enfance, s’est lancé sur un coup de tête après une discussion avec des amis. En 2014, il achète une première machine. Après quelques semaines de tâtonnement, il propose un premier résultat à son entourage. « Tout le monde a aimé, se souvient-il. J’ai alors ouvert un stand à Souk el-Akel et j’ai tout vendu dès le premier jour. J’ai su qu’il y avait quelque chose à tenter. » Il achète un équipement professionnel et lance sa première boutique à Sanayeh, pour un investissement d’environ 300 000 dollars. Il y propose 45 parfums vendus entre 5 000 et 7 000 LL, du fruit de la passion à la mûre en passant par la noix de coco, qu’il a introduite cet été. Il propose aussi des glaces vegan, c’est-à-dire sans produits issus des animaux ou de leur exploitation (lait, crème, œufs, gélatine). Ses produits sont garantis 100 % naturels, sans arôme artificiel ni additif, et répondent aux normes ISO:22000. Popcity, qui produit entre 500 et 600 glaces par jour, vient d’ouvrir un deuxième magasin à Dubaï et compte ouvrir plusieurs kiosques saisonniers dans différents centres commerciaux de Beyrouth. |
Oh my Gelato Walid Boustany et Nathalie Massaad ont ouvert leur première boutique Oh my Gelato début février à Hazmié avec un capital de départ d’environ 200 000 dollars. Mais le frère et la sœur, tombés dans la glace “un peu par hasard”, proposent des glaces et sorbets composés de 22 parfums, comme le rose loukoum, le meghli ou encore le kharroub. Les fruits représentent 60 % de la composition totale de la glace. Moins de six mois après l’ouverture de Oh my Gelato, leur chiffre d’affaires est en augmentation de 40 % et leur production journalière de glace est de 100 kilos. Ils affirment privilégier le produit avant le profit. « En moyenne, nous nous positionnons 25 % en dessous du prix le plus haut de nos concurrents. D’un produit à l’autre, la marge est variable, mais nous ne sacrifions pas un produit qui n’est pas rentable. C’est l’ensemble de notre gamme qui doit assurer notre rentabilité. » Le pot standard de 80 grammes coûte 4 000 LL et il faut compter 10 000 LL pour un pot de 380 grammes (l’équivalant de 5 boules). L’entreprise, qui compte trois salariés, envisage l’ouverture prochaine d’une deuxième boutique à Kfarhbab, dans la banlieue de Ghazir. |