Commerce en ligne au Liban : ça bouge trop lentement
Il est encore trop souvent compliqué de payer sur le Net libanais. Des transactions sont souvent refusées et les deux passerelles de paiement qui se partagent le marché libanais, NetCommerce et Audi E-Payment, gèrent un volume de transactions encore limité.
Des milliers de transactions par jour, selon Carla el-Rayess, PDG du leader historique Net Commerce ; 6 à 7 millions de dollars par an, estime Randa Bdeir, directrice du e-banking et des services reliés aux cartes bancaires à la Bank Audi, en charge d’Audi E-Payment : le volume des transactions qui transitent par les deux passerelles de paiement libanaises est encore très limité, même si, toujours selon les estimations de Bdeir, il a doublé depuis 2006. En fait, une grande partie des transactions ne sont pas attribuables aux sites de commerce en ligne, mais à l’utilisation de la passerelle comme moyen de paiement pour les assurances, les bijoutiers, les designers, etc. D’ailleurs Audi E-Payment ne se définit pas seulement comme une passerelle de paiement, mais aussi comme un moyen de paiement sécurisé sur le Net pour toute transaction, qu’elle soit commerciale ou non. C’est dire que le niveau des paiements liés au commerce en ligne libanais est encore très faible. Et il provient majoritairement de pays étrangers : en 2009, seules 32 % des transactions ont été réalisées via des cartes de paiement libanaises, selon el-Rayess. En 2007, cette dépendance à l’étranger était encore plus forte : plus de 80 % des transactions provenaient de cartes non libanaises. Très dépendants de l’étranger, les sites marchands libanais sont confrontés à un casse-tête : une partie non négligeable des paiements par carte en provenance de l’étranger échoue. Certains en sont même arrivés à avoir recours à des passerelles de paiement internationales, du type Google Check Out et PayPal, en complètement de la passerelle libanaise avec laquelle ils traitent. Randa Bdeir et Carla el-Rayess affirment ne pas savoir pourquoi certaines cartes de paiement étrangères sont refusées sur leurs passerelles. Une des explications les plus plausibles avancée par le marché tient au risque de fraude libanais, bien que les avis divergent sur son importance. Certains disent qu’il est très élevé, d’autres disent qu’il est acceptable, mais qu’il est en augmentation.
Tony Gougassian, directeur de la zone Levant de Visa Inc., affirme que « de façon générale, les transactions en ligne sont plus souvent déclinées que les transactions dans les points de vente. Mais il n’y a aucune preuve que le taux de déclin soit plus élevé au Liban qu’ailleurs, ni que le taux de fraude y soit supérieur à la moyenne ».
Un système de protection selon des normes internationales
En l’absence de législation libanaise sur le commerce en ligne, NetCommerce et Audi E-Payment affirment toutes les deux suivre les normes internationales imposées par Visa et MasterCard en termes de sécurité, lutte antifraude, remboursement, etc. : elles sont toutes les deux sécurisées par l’organisme indépendant VeriSign, qui crypte les données pour assurer leur transport sécurisé sur le Net. Elles demandent systématiquement, au moment du paiement en ligne, le code de trois ou quatre chiffres inscrit derrière la carte de crédit, appelé CVM (Card Verification Method) : elles s’assurent ainsi que la personne qui fait la transaction est en possession de la carte, puisque ce code n’existe ni dans la bande magnétique ni sur un reçu bancaire. Lorsqu’on sait que, selon une enquête de Gartner Group reprise sur le site de NetCommerce, 98 % des numéros de cartes de crédit collectés par les fraudeurs le sont via les reçus bancaires jetés dans les restaurants et les commerces, cette mesure permet de réduire drastiquement les possibilités de fraude. Les passerelles libanaises ont également implanté les systèmes de sécurité Verified by Visa et MasterCard Secure Code, qui consistent à demander un code au client lors de la transaction. Le problème est que c’est à la banque émettrice de la carte de fournir au client une carte qui suit les conditions de Verified by Visa et de MasterCard Secure Code : toutes les banques étrangères ne s’y sont pas encore mises, en raison du coût. En l’absence de ce code, la passerelle de paiement a beau avoir implanté le processus, « cela ne sert à rien », tranche Marwan Kaddoura, PDG de CreditCard Services Co. (CSC), une des compagnies qui assurent les transactions par cartes au Liban.
Des services et des tarifs similaires
Les deux passerelles offrent plus ou moins les mêmes services en termes de remboursement, de suivi avec les commerçants, etc. NetCommerce, qui a été créé en 1999 par les banques Crédit libanais et Fransabank et le fournisseur de services Internet IDM, domine le marché et compte parmi ses clients Exotica, BuyLebanese, et le Loto libanais. Basé au Liban et s’adressant exclusivement aux sociétés de droit libanais, NetCommerce accepte les transactions libellées en dollars et livres libanaises uniquement. Aux dires des commerçants qui traitent avec NetCommerce, un de ses désavantages majeurs est qu’au moment de payer, le client est dirigé hors du site marchand et vers le site de la compagnie. Cela a dissuadé certains sites de passer par lui. NetCommerce se défend en affirmant que ce dispositif lui permet de mettre à jour son logiciel au fur et à mesure que les nouvelles technologies et les nouveaux standards émergent.
Audi E-Payment a été lancé par Bank Audi en 2004 et se pose en concurrent direct de NetCommerce. Grand Cinemas, MTC et la Croix-Rouge ont décidé de recourir à ses services. À la différence du leader du marché, Audi E-Payment n’a pas développé son propre logiciel de transactions en ligne, mais a recours à celui développé par MasterCard International, qui s’intègre dans le site du marchand. Toutes les monnaies sont acceptées, mais le règlement au marchand se fait toujours soit en livres libanaises, soit en dollars.
Certains commerçants se plaignent du rythme d’amélioration des services d’Audi E-Payment et NetCommerce, jugé plus lent que celui des passerelles internationales. Ils en imputent la raison au manque de compétition sur le marché. Et tous se plaignent du taux imposé par les deux passerelles, qui leur facturent les transactions entre 3 et 3,5 %. Ce taux est à comparer à celui prélevé sur les points de vente physiques, qui oscille entre 1 et 2 %. Les marchands les plus importants intègrent directement ce surcoût dans leurs prix de vente ; les autres le rajoutent à la fin de la transaction. Carla el-Rayess se défend en précisant que les taux imposés par Visa et MasterCard sont plus élevés au Liban qu’en Europe et aux États-Unis ; ce que nuance Gougassian : « Les taux d’interchange de Visa au Liban sont similaires à ceux de la région CEMEA (Europe centrale Moyen-Orient Afrique) », affirme-t-il. Il y a également les frais de l’infrastructure de la passerelle à prendre en compte dans les coûts répercutés sur le marchand. Ceci dit, certaines passerelles internationales, dont Google Checkout, bien qu’en général moins chères, prélèvent dans certains cas des taux encore plus élevés que les passerelles libanaises.