Les hôtels font de la résistance
Le secteur hôtelier crée beaucoup d’emplois au Liban, mais le taux de rotation du personnel est très élevé.
Le secteur de l’hébergement marchand est un gros pourvoyeur d’emplois au Liban avec près de 15 000 postes, majoritairement salariés, selon l’organisation nationale de l’emploi. Et les perspectives sont encourageantes, avec la création prévue de 3 000 postes d’ici à 2015. Mais l’activité souffre du décalage entre les aspirations des candidats et les qualifications recherchées par les employeurs qui ont du mal à fidéliser leur personnel. Le taux de rotation est très élevé dans les équipes hôtelières, au détriment de la qualité du service, et entrave le développement du secteur.
Les hôteliers du pays s’en plaignent régulièrement : trouver du personnel est un casse-tête malgré le large éventail de formations dédiées au secteur. Ils demandent surtout des profils techniques spécialisés, comme une femme de chambre ou un cuisinier, mais peinent à trouver des aspirants à cette voie. Ainsi, seuls 15 % des employés affichent une formation technique et pratique (Brevet de technicien BT ou Brevet de technicien supérieur BTS en hôtellerie) (voir graphique 2). À cela deux raisons principales : les salaires d’entrée proposés dans ce qui est considéré comme le bas de l’échelle sont peu attractifs étant donné les heures de travail à rallonge, ce qui pousse les Libanais à considérer ces métiers comme laborieux et ingrats. Du coup, les opérateurs embauchent, pour ces postes techniques, des candidats sans formation dont de nombreux étrangers moins regardants que les Libanais sur les salaires et les conditions de travail.
Outre le problème du recrutement, le secteur peine généralement à garder son personnel, qualifié ou non. Même s’il existe des établissements ouverts de longue date souvent gérés par des familles qui pratiquent une politique paternaliste de fidélisation du personnel, cette catégorie se réduit progressivement. La rémunération est la première justification de ce taux de rotation élevé. Si le salaire moyen dans le secteur avoisine officiellement les 945 000 LL par mois (630 dollars), la fourchette est large, car la politique salariale des hôtels répond à différents critères : localisation géographique, origine géographique des salariés, catégorie de l’établissement, rémunération selon l’expérience. Les salaires peuvent varier du simple au double, à poste égal, selon si l’établissement est installé à Beyrouth, dans le Mont-Liban, le Nord, la plaine de la Békaa ou le Sud-Liban. Seuls 7 % des salariés de l’hôtellerie, principalement des métiers de gestion, touchent plus de 1 600 000 LL (1 070 dollars). La taille réduite du marché et la concurrence entre hôteliers peuvent les pousser à débaucher les employés d’autres établissements moyennant une augmentation de salaire, même symbolique. Dans les établissements de chaînes, si les salaires sont globalement meilleurs que chez les employeurs indépendants, la direction n’hésite pas à licencier en cas de ralentissement de l’activité sous la pression de résultats négatifs.
Le phénomène de chaises musicales ne s’observe pas uniquement au sein du marché local. Près de 20 % des employés qui démissionnent le font pour s’expatrier. À cela plusieurs raisons. Si certains cherchent des pays où l’industrie touristique est stable – les départs en 2006 des profils qualifiés nuisent encore aujourd’hui au secteur –, d’autres quittent le pays à la recherche de reconnaissance. Car au Liban les métiers à responsabilité sont souvent confiés à des Occidentaux, signe de prestige pour l’établissement. Leurs homologues locaux, à diplôme égal, ne se voient pas confier les mêmes postes aux mêmes salaires. Beaucoup de Libanais décident donc de tenter leur chance à l’étranger, où ils sont reconnus pour leurs compétences et leur multilinguisme, et où les perspectives d’évolution de carrière sont plus attractives.